— C’est un beau et grand garçon.
— Son âge ?
— Il doit approcher de la trentaine… au plus.
— Ses yeux ? son nez ? son front ? sa bouche ? son menton ? — demanda précipitamment le sous-officier.
— Ma foi, monsieur Beaucadet, je n’en sais rien ; je ne l’ai pas assez dévisagé pour vous donner son complet signalement. Hier il était nuit quand il est venu à la cour du chenil, et je ne l’ai vu qu’à la lueur de ma lanterne.
— Et vous dites qu’il y a peu de temps qu’il est au service de votre maître ?
— Sans doute, car j’ai dit ce matin au chef d’écurie en allant prendre mon cheval : M. le comte a donc un nouveau valet de chambre ? — Tout nouveau, — m’a répondu le chef d’écurie.
— Je peux rendre un service soigné à la justice, — dit M. Beaucadet en réfléchissant : — on ne sait rien de la vie passée de mon brigand ; je ferai, de gré ou de force, parler ce Martin, dont mon évadé porte le nom écrit avec amitié sur sa gueuse de poitrine, et…
— Un instant, monsieur Beaucadet, — dit le piqueur en interrompant le sous-officier ; — rappelez-vous le fameux proverbe : Il y a plus d’un âne à la foire qui s’appelle… Martin ; or, pourquoi ce qui s’applique aux ânes ne s’appliquerait-il pas (sans comparaison) aux valets de chambre ? Et puis…
— Et puis ?
— Songez que M. le comte, si sévère, si exigeant pour les gens de son service, ne prend jamais personne chez lui qu’après les plus minutieuses informations.
— Eh bien ! père Latrace ?
— Croyez-vous qu’un honnête homme comme doit l’être M. Martin, puisqu’il est au service de M. le comte, ait pu être ou soit l’ami du brigand que vous cherchez ?
— La battue est commencée, — s’écria M. Beaucadet en interrompant le piqueur ; — voilà Ramageau !
— Un limier ? — dit Latrace.
— Oui, un limier en grosses bottes et à cheval, — répondit Beaucadet en montrant au loin un gendarme qui accourait de toute la vitesse de sa monture.
— Allons ! bonne chasse, monsieur Beaucadet, — dit le veneur.