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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés I (1850).djvu/155

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— Oh ! mes beaux songes d’or… doux et chers souvenirs, avivés tout à l’heure encore.

Mais, s’interrompant, elle ajouta :

— Pas de faiblesses, pas de lâches regrets ; il ne s’agit pas de moi. Courage… le comte est d’ailleurs plus pressant que jamais… il me supplie de fixer le 15 du mois prochain comme époque de notre mariage. Il le faut… hier, j’aurais hésité à hâter ce terme fatal, qui, pour moi, ne doit arriver que trop tôt ; mais aujourd’hui… — et Mme Wilson rougit comme s’il se fût agi de sa propre honte, — aujourd’hui, la position de cette malheureuse enfant m’ordonne de presser ce double mariage…

Puis, continuant de lire la lettre :

— À quel triste événement, arrivé ce soir même, le comte fait-il allusion ? Il ne veut pas m’en instruire, de crainte de m’impressionner trop vivement ; mais demain il me dira tout, si je puis, comme d’habitude, le recevoir. Allons lui répondre…

Et Mme Wilson quitta sa chambre à coucher et passa dans un petit salon où elle écrivait d’habitude.

Mme Wilson terminait sa lettre au comte Duriveau, lorsque soudain Raphaële, pâle, demi-nue, égarée, entra dans le salon.

— Oh ! c’est affreux !… — s’écria la jeune fille en se jetant dans les bras de sa mère, — morte !…

— Mon Dieu ! qu’y a-t-il ?… Raphaële !… de quoi parles-tu ?…

— Cette jeune fille !… la mère de ce petit enfant qu’on a trouvé ce matin !… elle est morte !…

— Que dis-tu ?

— Elle s’est noyée !… on venait l’arrêter !…

— Mais comment sais-tu ?…

— Tout à l’heure, un des gens du comte l’a dit à Isabeau.

— Plus de doute, — s’écria douloureusement Mme Wilson, — c’est l’événement auquel le comte faisait allusion…

— Oh !… ma mère !… Dieu nous punit… Cette mort !… c’est un présage !… — murmura la jeune fille.

Et elle tomba dans les bras de sa mère épouvantée.