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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés I (1850).djvu/184

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— L’homme qui était caché là, monsieur le comte. Je l’avais vu, à la clarté des lampes du jardin d’hiver, se lever brusquement de ce massif où il était blotti… Peut-être n’avait-il pas de mauvaise intention ; mais, dans mon premier mouvement, je n’ai pas réfléchi : croyant que M. le comte courait quelque danger, j’ai sauté par la fenêtre pour atteindre cet inconnu… dans ma lutte avec lui, un pistolet, dont il était armé, est parti ; je me suis mis à sa poursuite… et…

— Mais vous êtes blessé… — s’écria vivement le comte en s’approchant davantage de Martin.

— Je crois que oui… monsieur le comte… à la main… mais c’est peu de chose, la balle m’a effleuré le poignet.

— Il n’importe, il faut vous faire panser, — dit le comte ; et comme plusieurs de ses gens étaient accourus au bruit de l’explosion, il dit à l’un d’eux :

— Qu’on aille à l’instant chercher le médecin de Salbris.

— Et ce brigand, quelle figure avait-il ? — dit M. Chandavoine avec effroi, — c’est peut-être ce scélérat de Bamboche, que l’on traque de tous côtés et dont le signalement est affiché.

En apprenant que Bamboche, dont il entendait prononcer le nom pour la première fois depuis son arrivée en Sologne, était traqué de tous côtés, Martin, malgré les émotions qui l’agitaient, tressaillit de surprise, les paroles expirèrent sur ses lèvres.

Frappé de l’expression de ses traits, le comte lui dit :

— Qu’avez-vous donc, Martin ?

— Rien, Monsieur le comte… rien… Je me sens un peu faible… le sang que j’ai perdu, sans doute…

— Avez-vous au moins pu le bien dévisager, le brigand ? — demanda M. Chandavoine.

— Oui, Monsieur, — reprit Martin, — il était très-petit, très-brun… et très-jeune… dix-huit ou vingt ans au plus, — ajouta Martin avec assurance, — il portait une blouse blanchâtre et une casquette.

— Ce n’est pas là le signalement de Bamboche, — dit M. Chandavoine, — mais puisqu’il portait un pistolet, ça ne peut être qu’un assassin.

— Un assassin ! Et pourquoi diable voulez-vous qu’on m’assassine, mon cher Monsieur ? — dit le comte avec une dédaigneuse insouciance, — à moins que ce ne soit un avertissement salutaire de certain correspondant anonyme, — ajouta le comte avec un sourire amer et con-