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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés I (1850).djvu/24

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âcre et chaude que laisse après lui sur le sol, avec leur empreinte, l’odeur de ses pieds, fortes émanations, fumées pénétrantes qui, saisissant le subtil odorat des chiens, les guident seules dans leur poursuite.

Le renard disparu, le braconnier sort brusquement de son affût, s’élance dans la clairière, se courbe vers la terre, la parcourt d’un œil scrutateur, reconnaît les fraîches empreintes des pattes du renard, et se hâte aussitôt de soigneusement effacer sous son pied ces traces partout où elles existent, détruisant ainsi par le foulement du sol, non-seulement l’empreinte, mais l’odeur résultant du passage de l’animal, venant de la sorte encore en aide à la fuite et aux ruses du renard, ou plutôt voulant, avant tout, éloigner les chiens, et, conséquemment, les chasseurs de cet endroit, si voisin de son repaire.

— Les hurlements de la meute, les fanfares des trompes, de plus en plus proches, redoublent de sonorité ; de temps à autre s’y mêlent les cris et les appels servant de signaux aux traqueurs qui, de trois côtés différents, s’avancent à la recherche de Bamboche, le fugitif.

De plus en plus effrayé de ces menaçantes approches, le braconnier pénètre dans le taillis par lequel le renard était arrivé dans la clairière, y reconnaît nécessairement aussi les traces de l’animal. Puis, ainsi qu’il avait déjà fait, il efface ces empreintes sous ses pieds pendant environ deux cents pas, jusqu’à un énorme tronc d’arbre renversé, que le renard avait sans doute escaladé.

Sûr alors que cette immense solution de continuité dans la voie chaude et odorante que le renard laisse après soi, et qui seule, nous l’avons dit, peut guider la meute dans sa poursuite, devait rendre la chasse impossible et l’éloigner de son repaire, le braconnier s’élança au plus profond du bois.

Les prévisions de la Bête-Puante ne furent d’abord pas trompées.

Il avait disparu depuis quelque temps ; la meute criait à pleine gorge ; soudain ces aboiements, ces hurlements si sonores, si retentissants, cessent comme par magie : les chiens étaient à bout de voie, c’est-à-dire qu’ayant sauté par-dessus l’énorme tronc d’arbre en deçà duquel le braconnier avait détruit, en foulant le sol, l’empreinte et l’odeur du passage du renard, la meute ne trouvant plus rien qui la guidât, la meute, qui n’aboie que lorsqu’elle est en plein sur la piste de l’animal, se tut tout à coup.

Allant et venant, inquiets, déconcertés de cette brusque interrup-