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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés I (1850).djvu/251

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l’ai toujours conçu, est une sincérité absolue, inexorable ; je n’ai jamais failli à ce devoir.

« Les jugements sévères que j’ai portés sur moi-même, lors de certaines circonstances de ma vie, me donnent, je crois, le droit de me montrer non moins sévère envers autrui.

« Ce n’est qu’à la longue et selon l’enseignement que je retirais des événements de ma vie, que mon esprit s’est mûri, que mon intelligence s’est développée, que mon jugement s’est formé, que mes principes se sont enfin fixés. J’ai donc tenu à conserver, dans ces Mémoires, cette lente transformation de mes idées, de mes convictions, de mes sentiments, qui, à travers mille événements, m’a conduit du bien au mal.

« Lors de ma première jeunesse, je réfléchissais peu ; c’est à cette époque que j’ai raconté tout ce qui se rattache à mon enfance et à mon adolescence. Ces pages, selon les différentes phases du récit, seront donc souvent empreintes de l’insouciance et de la gaieté de cet âge… Plus tard, j’ai commencé de rechercher les causes des faits divers qui se passaient chaque jour à mes yeux.

« Si dans le cours d’une existence remplie de tant d’aventures, j’ai quelquefois malheureusement dévié de la ligne droite, pour y revenir et pour toujours, il vous paraîtra peut-être que le milieu dans lequel j’ai été jeté, pauvre orphelin abandonné, a presque fatalement causé ces déviations.

« Croyez-le, Sire, ce n’est pas pour satisfaire à votre bienveillante curiosité, si honorable qu’elle soit pour moi, que j’ai rassemblé ces pages, depuis si longtemps écrites ; c’est dans l’espoir qu’elles vous confirmeraient peut-être davantage encore dans vos généreuses tendances.

« Bien humble, bien obscure… ou plutôt parce qu’elle a été bien humble et bien obscure… ma vie porte avec elle quelques enseignements ; l’histoire sincère d’un homme qui a vécu comme j’ai vécu, vu ce que j’ai vu, éprouvé ce que j’ai éprouvé, peut n’être pas stérile pour vous, Sire, car, dans bien des circonstances, cette histoire est aussi celle de l’immense majorité des hommes pauvres et abandonnés à eux-mêmes… c’est-à-dire l’histoire des diverses conditions où vit forcément le peuple…

« Agréez encore l’assurance de mon dévouement, Sire. Le saint et grand devoir que j’ai à accomplir ici m’empêchera sans doute de quitter désormais la France : mais croyez que je conserverai le