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Page:Sue - Les misères des enfants trouvés I (1850).djvu/38

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pas, mon très-cher, quand on a cinquante mille écus de rente, — répondit le gros homme en enflant ses joues d’un air important, et cherchant du regard un passage moins aventureux.

— En quoi vos cinquante mille écus de rente vous empêchent-ils de sauter ? — reprit Scipion en ricanant à froid, — à moins que ce ne soit votre fortune qui vous rende si lourd et si gonflé… Vous êtes donc bourré de lingots, matelassé de billets de banque ?

— Mais, taisez-vous donc, — s’écria le gros homme d’un air inquiet, — c’est une très-mauvaise plaisanterie que vous faites là… Aller crier au milieu de ces bois, de ce pays de loups et de meurt-de-faim, que je suis bourré de billets de banque ! Si l’on vous entendait il y aurait de quoi me faire égorger.

Puis, s’adressant au piqueur qui venait de rejoindre ses chiens de l’autre côté de l’arbre, Dumolard lui cria :

— Eh ! mon brave ? Est-ce que je ne trouverais pas un autre passage ? Je ne suis pas un casse-cou, moi !

— Suivez le fourré à main gauche, Monsieur, — répondit le veneur, — au bout de cinquante pas vous prendrez un petit sentier qui vous amènera ici…

— Un petit sentier ! — dit Scipion, — vous êtes perdu, vous n’y entrerez pas… mon gros ; vous ne pouvez vous permettre que les routes royales.

M. Dumolard haussa les épaules, tourna bride, et suivit l’indication du piqueur.

Maintenant disons ce qu’il advint du défaut où était tombée la meute, à environ deux cents pas de la tanière de Bête-Puante, le braconnier.