CHAPITRE V.
À peu de distance de la métairie, Bruyère venait de rencontrer
les gens qui se rendaient auprès d’elle pour être conseillés, ainsi que
disait la Robin ; voulant d’abord accomplir son devoir, la jeune fille
avait prié ses rustiques clients de l’attendre quelques instans au dehors.
Lorsque Bruyère entra dans la cour de la métairie, le ciel crépusculaire, d’un sombre azur à son zénith où scintillaient déjà quelques étoiles, restait encore à l’occident d’une transparence lumineuse, dernier reflet du soleil couché, qui donne un charme si mélancolique aux belles soirées d’automne ; sur ce fond de pourpre pâle se dessina la figure de Bruyère ; de très-petite stature, mais parfaitement proportionnée, elle portait un sarrau à manches demi-longues, en grosse étoffe de laine blanchâtre largement rayée de brun, serré à la taille par une flexible ceinture de joncs fins comme de la soie, tressé par Bruyère avec une adresse merveilleuse. Grâce à son ampleur et à l’épaisseur de son tissu, le vêtement de la jeune fille, montant jusqu’à la naissance du cou et descendant à mi-jambe, se drapait en plis d’une simplicité gracieuse ; son peu de longueur l’empêchait d’être jamais souillé de la fange des marais ; ses larges manches, ne descendant pas plus bas que le coude, laissaient voir les bras ronds et légèrement hâlés de la jeune fille ; ses pieds enfantins chaussaient de petits sabots creusés dans le bouleau et noircis au feu ; l’eau d’un ruisseau limpide où Bruyère venait de faire son ablution du soir,