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Page:Sue - Mathilde, tome 4.djvu/64

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fiance ; je me serais jetée à genoux en disant : Merci, mon Dieu, vous avez permis que cette femme perfide, audacieuse, se montrât sans fard, dévoilât toute la bassesse, toute la méchanceté de son âme ! Un moment mon mari s’est laissé prendre à ses dehors séduisants ; mais maintenant il la connaît, mais maintenant il n’aura plus pour elle que mépris et qu’horreur. Quel homme, et Gontran plus que tout autre encore, ne sentirait pas au moins sa fierté révoltée en entendant cette femme lui parler si dédaigneusement !

Comment lui Gontran, lui si beau, si séduisant, lui gâté par tant de succès, par tant d’adorations, irait non pas aimer mais s’occuper seulement d’une femme qui oserait lui dire : Je ne vous aime pas, je ne vous aimerai jamais, et je vous défie de ne pas m’aimer…

Oui, encore une fois, j’aurais remercié Dieu ; le calme, le repos, fussent pour longtemps rentrés dans mon cœur.

Mais, hélas ! je l’ai dit, en une nuit j’avais, je ne sais par quelle intuition, acquis la triste sagacité, la désespérante sûreté de jugement que les années peuvent seules donner.