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Page:Sue - Mathilde, tome 4.djvu/65

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Je crois fermement que cette sorte de prescience m’était venue soudainement parce qu’elle pouvait me servir à défendre l’avenir de mon enfant. Hélas ! mon Dieu, j’étais bien jeune encore, jamais je ne m’étais appesantie sur les tristes misères de l’esprit humain, il fallait une puissance surnaturelle pour me faire pénétrer ce tissu d’horribles pensées.

Je croyais au bien jusqu’à l’aveuglement ; je n’avais pas idée de ces passions dépravées, qui, au lieu de rechercher ce qui est pur, noble, salutaire et possible, sont au contraire honteusement aiguillonnées par l’attrait de la corruption, du cynisme, de l’impossible.

Pouvais-je soupçonner qu’un homme, par cela même qu’une femme sans mœurs lui dirait : Je ne vous aime pas, je ne vous aimerai jamais !… que pour cela même cet homme dût adorer cette femme avec frénésie !

Non… non, mon Dieu, on m’eût dit que le cœur humain était capable de ces énormités que je l’aurais nié, que j’aurais pris cela pour un blasphème.

Par quel mystère pourtant… moi jusqu’alors si heureusement ignorante de ces misères,