Aller au contenu

Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sacrifice serait vain pour le bonheur de cette jeune fille.

Au milieu de ces réflexions si poignantes, Emma fit un léger mouvement, tourna languissamment la tête de mon côté, ouvrit les yeux en soupirant, et me regarda.

Oh ! je le vois encore, ce regard profond, à la fois si doux, si triste, si résigné…

Il me sembla qu’il m’implorait, qu’il me demandait la vie, le bonheur…

Après m’avoir un instant contemplée avec étonnement, elle ferma ses longues paupières ; deux larmes roulèrent sur ses joues, qui se colorèrent un instant d’un rose pâle.

— Emma, qu’avez-vous — lui dis-je doucement — vous pleurez !… souffrez-vous ?

— Oui — me dit-elle d’une voix faible sans ouvrir les yeux — je vous aime… et pourtant votre présence me fait mal… ne m’en voulez pas… il faut avoir pitié des mourants.

— Que dites-vous !… n’ayez pas de pareilles idées, pauvre enfant, vous affligeriez et moi et votre bonne amie.

— Je sais bien que je vais mourir… dans mon rêve, Dieu me l’a dit.