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Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/59

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cette malheureuse enfant, à qui je devais alors compte des promesses que j’avais été forcé de lui faire.

Ma conduite était donc d’une simplicité, d’une logique effrayante : tuer absolument l’amour que M. de Rochegune avait pour moi, et, une fois son cœur libre, l’amener à soupçonner, à reconnaître l’amour d’Emma.

Ainsi seulement je rendais mon sacrifice grand et profitable : Emma était heureuse ; M. de Rochegune était heureux aussi, car il ne pouvait manquer d’apprécier cette angélique nature, et moi, je jouissais au moins d’une sorte d’amère consolation.

Sinon, si je ne réussissais pas, mon stérile sacrifice faisait le malheur des deux personnes que j’aimais le plus au monde… Hélas ! ces réflexions prouvent assez que j’étais obligée de feindre pour M. de Lancry un amour aussi odieux qu’inexplicable.

Je dis donc à M. de Rochegune :

— Votre incrédulité ne m’étonne pas ; ma conduite est tellement coupable à vos yeux, que vous ne pouvez pas même l’accepter comme possible… Pardonnez-moi de parler