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Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/62

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homme, à moins d’être aussi perverse, aussi perdue que lui.

Il disait vrai ; je comprenais, j’admirais son noble courroux ; mais, pour la vraisemblance de mon triste rôle, je devais à mon tour défendre et mon feint amour pour M. de Lancry et M. de Lancry lui-même.

Oh ! combien je remerciai le ciel de m’avoir donné la force de cacher jusqu’alors à M. de Rochegune l’amour ardent, passionné… que depuis longtemps j’avais ressenti… je ressentais pour lui… S’il l’avait deviné, si je le lui avais avoué, comment aurais-je pu sans mourir de confusion lui dire que la présence de M. de Lancry avait fait naître en moi un nouvel enivrement… Oh ! non, non, M. de Rochegune n’eût pas cru cette indignité, et je n’eusse jamais tenté de la lui persuader…

Il marchait à grands pas, il souffrait visiblement ; j’avais hâte d’abréger cette scène si pénible.

— Vous êtes injuste — lui dis-je — de m’accuser de perversité parce qu’un amour fatalement placé, je le veux, mais après tout légitime, se réveille en moi : ne suis-je pas restée