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Page:Sue - Mathilde, tome 6.djvu/61

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aimais seulement comme un frère ; vous ne m’inspiriez qu’une vive amitié… mon premier amour mal éteint faisait toute ma vertu.

M. de Rochegune était bien au-dessus des autres hommes et par son caractère et par ses rares qualités ; et pourtant, ainsi que le vulgaire des hommes, il ajouta plus de créance à cette dernière raison, ou plutôt il la ressentit plus vivement que les autres, parce qu’elle blessait profondément son amour-propre.

— Ah ! ce serait à douter de son père ! — s’écria-t-il avec un mouvement d’horreur qu’il ne put vaincre. — Vous, vous… parler ainsi… Et cela s’est vu… oui… il y a eu de ces fascinations irrésistibles… de ces passions fatales, qui ont à tout jamais enchaîné des anges de noblesse et de pureté aux côtés d’hommes débauchés et perdus… Mais non, non — reprit-il par un mouvement de noble indignation — non, il n’y a pas de fascination, il n’y a pas de fatalité, ce sont là des mots inventés par la faiblesse, par la lâcheté ou par la honte ; je vous dis, moi, que je ne vous crois pas ; vous n’aimez plus, vous ne pouvez plus aimer cet