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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/100

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On voit qu’il y a là beaucoup de considérations décousues, sans aucun précepte général. Parmi ce grand nombre de causes qui se superposent pour produire les mêmes effets, il est difficile de démêler si l’une agit plus spécialement que les autres, ou bien préexiste à toutes les autres. Après y avoir longtemps réfléchi, je ne crois pas qu’il soit possible de poser une règle générale et simple, qui établisse de suite qu’un torrent a, ou qu’il n’a pas la pente limite. Ces règles si absolues sont séduisantes, mais elles sont rarement vraies. Voici les seuls caractères que j’oserais avancer, non pas comme étant infaillibles, mais, au moins, comme étant le plus rarement en défaut :

1o Les torrents qui ont un canal d’écoulement prolongé, et dans lesquels la courbe de lit est continue, dans le passage de ce canal au lit de déjection, ont la pente-limite : — Par conséquent ils pourront être encaissés.

2o Les torrents dont la courbe de lit se brise dans le même passage, ont des pentes imparfaites : — Par conséquent ils exhausseront, quoi qu’on fasse pour les encaisser[1].

Je crois qu’il n’est guère possible de formuler quelque chose de plus positif sur cette question. Les circonstances indiquées par ces deux régies sont celles qui reparaissent le plus régulièrement, au milieu d’une multitude d’autres, qui s’effacent, se substituent l’une à l’autre, et ne semblent pas former comme celles-ci un trait constant et général. Afin de ne pas rester trop longtemps sur ce sujet, je renvoie aux planches et à l’explication qui les accompagne. On trouvera là des vérifications à l’une et l’autre règle.

La triste conclusion de tout ceci, c’est que l’encaissement n’est pas toujours possible. Le torrent de Chorges, déjà cité si souvent, peut encore servir ici d’exemple à cette vérité, bien propre à discréditer tous les systèmes de défenses employés jusqu’à ce jour. Depuis vingt années, les habitants entassent digues sur digues pour défendre leur bourg et leurs champs contre les envahissements du torrent. Au delà de cent mille francs dorment dans ces travaux, que les eaux aujourd’hui renversent ou sur-

  1. Je n’ai besoin d’avertir que ces deux règles cesseraient d’être exactes, si à leur énoncé direct on substituait l’énoncé réciproque. Il n’est pas vrai, par exemple, que tous les torrents qui exhaussent présentent nécessairement une discontinuité au point d’attache du cône de déjections. Mais il est toujours vrai que les torrents qui présentent cette discontinuité, exhaussent.