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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/101

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montent de toutes parts. L’encaissement du lit, loin de favoriser l’entraînement des matières, n’a fait que rendre l’exhaussement plus prompt : parce que les dépôts, concentrés dans une plus petite largeur, ont crû plus rapidement en hauteur. Le bourg est maintenant à la veille d’une catastrophe qui semble inévitable.

Il y a des personnes qui disent que les défenses, établies sur de semblables lits, épuisent inutilement la bourse des propriétaires, et qu’il vaut mieux laisser aller le torrent comme il lui plaît. — Il est très-vrai que dans des cas pareils on ne peut pas espérer un autre fruit de tout l’argent consacré aux défenses, que celui de retarder l’invasion pendant un certain temps. Mais n’est-ce pas déjà là un grand bienfait de ces travaux ? Combien d’ouvrages n’ont qu’une destination provisoire, qui n’en sont pas moins utiles ? Combien même n’existent qu’à la condition d’un entretien, ou bien mieux encore, d’un renouvellement perpétuel : nos chaussées, par exemple ? — Le et l’Adige sont aussi contenus par des digues qu’il faut continuellement surhausser : et si elles venaient à se rompre, une partie de la Lombardie serait submergée. Pourtant ces travaux, et tant d’autres du même genre, ne passent pas pour inutiles[1]. On les vante, au contraire, parmi les monuments les plus admirables de la patience de l’art humain, aux prises avec des forces indomptables qu’il contient par une lutte incessante, et qui détruiraient tout, s’il se relâchait un seul instant

D’ailleurs les défenses provisoires, en reculant le mal, peuvent donner le temps d’y appliquer des remèdes. — Sait-on si, en dehors des maladroites et inutiles défenses employées jusqu’à ce jour, il n’existe pas quelque système de résistance plus efficace, que l’expérience et l’observation pourront mettre en lumière, et qui sauveront pour toujours les propriétés dont on dispute aujourd’hui avec courage l’existence aux torrents ?

Ainsi, loin de décrier de pareils travaux, loin de les blâmer, je pense qu’il faudrait au contraire les encourager, et y pousser la population par tous les moyens possibles : elle n’a déjà que trop de pente vers l’abattement.


  1. Par exemple l’exhaussement réitéré des digues du Drac, dans le département de l’Isère, depuis le pont de Claix jusqu’à l’Isère qui le reçoit, a absorbé, dit-on, dans ces quinze dernières années, au delà de 600 000 francs ; mais si ces digues étaient surmontées, une partie de la ville de Grenoble serait submergée.