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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/104

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On a essayé dans le pays quelque chose d’analogue au moyen proposé par M. Cormont.

Il y a une vingtaine d’années, M. de Ladoucette fit ouvrir dans le torrent de Vachères une longue tranchée, dirigée en ligne droite de la gorge à la Durance. On attacha à ce travail les détenus de la maison centrale d’Embrun, au nombre de quatre cents, et l’ouvrage, poussé avec une admirable vigueur, se trouva terminé au bout d’un mois. Mais le mois suivant, une crue survint et tout fut détruit.

En général le curage sur les torrents est une opération fort pénible, à cause de la grosseur des blocs et de la ténacité du limon qui les enveloppe ; et ce travail, qui exige tant de bras et de dépenses, ne mène à aucun résultat durable. La plus petite crue suffit pour tout bouleverser, et remettre le lit en son premier désordre.

3o Système des Barrages.

Ce système consiste à détruire les érosions dans la montagne, par le moyen de murs de chute[1]. Il attaque le mal dans sa source même. Cette pensée est sans contredit la plus rationnelle de toutes. Si l’on parvenait à empêcher les affouillements dans les régions supérieures du torrent, on arrêterait par là même les exhaussements dans les parties inférieures : le même procédé sauverait à la fois les propriétés de la montagne et celles de la vallée : son action serait donc infiniment plus générale qu’aucun des moyens d’encaissement connus. Mais est-il applicable ? — Je ne le crois pas.

Les murs de chute ou barrages sont le genre de défense le plus efficace, lorsqu’il s’agit de garantir une petite longueur de propriétés, et sur des pentes modérées. En réalité, il n’a jamais reçu jusqu’ici d’autre application. — Transporté dans les parties supérieures d’un torrent, il n’en serait plus de même. Là, les pentes croissent avec une telle rapidité que les murs deviendraient insuffisants, à moins de les rapprocher, et, pour ainsi dire, de les entasser les uns sur les autres. Or ceci serait d’abord extrêmement dispendieux. — Ensuite, les murs ainsi rapprochés manquent une partie de leur effet, les chutes succédant aux chutes, sans que la vitesse ait le temps de s’amortir. Leur effet se bornerait, en quelque sorte, à relever le

  1. C’est le système qu’indiquent la plupart des auteurs. — Voyez Navier : Résumé des Leçons d’hydraulique données à l’École des ponts et chaussées, page 87.