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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/106

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n’est point parfait, parce que les deux torrents, sortant de deux gorges différentes, arrivaient à peu près sur le même lit, et qu’il n’y a eu, à proprement parler, qu’à le rétrécir.

Il existe sur la même route un exemple plus complet, mais il se rapporte à des ravins peu considérables. Ils coulaient tous les deux dans des directions parallèles, et coupaient la route en deux points différents. À l’aide d’un barrage et d’une tranchée pratiquée à l’amont de la route, on a forcé l’un des ravins de se jeter dans l’autre, et leurs eaux réunies ont passé sous un pont unique. — Cet ouvrage a été conçu et exécuté par M. Sevenier, ingénieur.

Le même M. Sevenier a dressé, il y a une vingtaine d’années, un projet de dérivation qui donne un exemple complet, et sur une vaste échelle, de ce genre de défense. — Il s’applique à ce torrent de Chorges déjà plusieurs fois cité dans le cours de ce mémoire. — Parallèlement à ce torrent coule celui de Malfosse, lequel est encaissé par des berges solides et profondes. Suivant le projet de M. Sevenier, une tranchée faite dans le haut de la montagne aurait versé le premier torrent dans le second, et détourné loin du bourg de Chorges un danger imminent, que j’ai fait connaître ailleurs et qui menace également la route royale passant par le bourg.

C’est ici qu’on peut voir combien les torrents ont été peu connus jusqu’à ces derniers temps, et combien leurs effets sont mal appréciés au dehors. La tranchée proposée par M. Sevenier prenait son embouchure à peu près au dernier tiers de la gorge du bassin de réception. Un grand barrage forçait les eaux à se détourner brusquement pour y entrer. Le torrent arrivait au barrage avec une pente énorme, dépassant 20 centimètres par mètre, et chargé des débris arrachés aux berges de son cours supérieur. Là, on lui présentait un canal, dressé suivant une pente uniforme de 7 millimètres par mètre, comme s’il se fût agi de dériver du torrent un paisible canal d’irrigation !… Dans toutes ces dispositions, il y avait un concours de fautes qui devaient rendre le succès du projet absolument impossible : 1o La présence d’un coude brusque ; 2o un brisement de pente ; 3o un lit dressé suivant une pente au moins dix fois trop faible, etc. Je n’ai besoin que de montrer ces erreurs pour les rendre palpables. Eh bien ! ce projet si évidemment vicieux, ce projet soigneusement élaboré, puis soumis à l’examen d’un conseil, dont personne, certainement, ne contestera ni l’expérience, ni la sagesse, ni les lumières, a reçu une approbation complète ! — Heureusement l’admirable bon sens des habitants