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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/112

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manière dont les ponts se comportent au milieu des causes qui tendent à les détruire.

Les ponts établis sur les torrents périssent de trois manières.

1o Ils peuvent être attaqués par les eaux avec une telle violence qu’ils soient emportés tout d’une pièce et totalement anéantis. — Ce cas, le plus formidable en apparence, est au fond le plus aisé à prévenir. On a ici une multitude de faits qui prouvent que les culées n’ont jamais été emportées que parce que leur pied était mal défendu. On a d’autres exemples où des ponts, frêles en apparence, ont soutenu l’effort de crues qui paraissaient capables d’anéantir les plus forts ouvrages. Ils ont dû cette admirable résistance à la conservation de leur radier. C’est là que gît en effet tout le secret de la force des ponts. C’est par l’entraînement du radier que commence toujours la chute des ponts, et avec un radier bien confectionné les culées ne courent plus de risque. — Ces radiers sont ordinairement construits avec de gros blocs disposés en forme de pavé, et constituant par leurs dimensions un véritable enrochement, à cela près que les blocs, au lieu d’être entassés au hasard, sont ici jointifs, posés avec soin, et que leur parement est très-régulièrement dressé. Pour les rendre plus solides encore, on les contient quelquefois par un grillage en charpente, dont les longrines sont engagées dans les culées[1]. D’autres fois on relie les blocs entre eux à l’aide de chaînes en fer[2].

2o Il peut arriver que les eaux, au lieu de serrer les culées de prés, les laissent là, et aillent percer la route en un autre point très-éloigné du pont. Celui-ci se trouve ainsi abandonné : la route, une fois ouverte, est livrée sans défense aux eaux qui élargissent la brèche, la mènent jusque près du pont, et finissent par mettre à nu le derrière des culées : celles-ci se renversent alors en arrière, et le pont s’abîme. Quand même les effets n’arriveraient pas jusqu’à cette extrémité, la communication n’en est pas moins interrompue, la route coupée par le torrent, et le pont devenu sans usage. Il existe plusieurs ponts qui ont été rendus inutiles par de pareils effets, et qu’on a pris le parti de boucher, en voyant que les eaux refusaient d’y passer[3]. — Dans ce genre de ruine, le vice de

  1. Pont de Boscodon.
  2. Pont de Vachères.
  3. C’est ainsi que les eaux refusent de passer sous le pont récemment construit sur la Sigouste.