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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/118

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tiers dans le canal du milieu où son cours est libre, que dans les intervalles des épis d’une même rive où son cours est embarrassé. Ainsi, que le torrent emporte ses matières ou qu’il les dépose, cette disposition est également propre à le contenir, au moins pendant de longues années.

Une circonstance rend l’exhaussement impossible sous le pont : — C’est que les matières, à mesure qu’elles arrivent, sont immédiatement balayées par la rivière. — Cette remarque est capitale : c’est elle qui légitime surtout la bonté de ce genre d’emplacement. Aussi serait-il important de jeter le courant de la rivière le long des abords du pont ; et même de l’y repousser, à l’aide d’ouvrages construits sur la rive opposée, afin de donner aux eaux le plus de chasse possible.

De cette propriété, qui rend l’exhaussement impossible sous le pout, découle tout naturellement cette conséquence : qu’on n’aura pas à craindre que le pont soit jamais obstrué par les dépôts, et qu’on aura échappé par là à l’une des trois causes de ruine, signalées précédemment, et à la cause la plus incurable : voilà ainsi anéantie la plus grande difficulté de l’établissement des ponts sur les torrents. — Ensuite on aura moins à redouter la violence de ces crues extraordinaires, capables d’emporter le pont comme un seul bloc. Il est certain que tous ces phénomènes si terribles, décrits dans la première partie, ne se manifestent guère qu’à la sortie de la gorge : à l’extrémité du lit de déjection, ils sont considérablement affaiblis ; cela se comprend même très-bien par les explications qu’on en a données. Ainsi cet emplacement diminue encore la chance de ruine qui se rapporte au premier genre de destruction.

Il n’y a donc véritablement à craindre qu’un seul genre de ruine, parmi les trois qui menacent les ponts : ce seul risque est celui de la divagation des eaux, qui pourraient tourner les culées, et percer la route en un autre point que le pont ; mais cela même est peu probable. Supposons un instant que les eaux, sorties du canal tracé par les épis, frappent la route ailleurs que sur le pont. Arrêtées par la chaussée, elles diminueront subitement de vitesse ; elles déposeront une partie de leurs alluvions ; ainsi elles exhausseront le sol dans cette partie, se barreront elles-mêmes, et retourneront sous le pont en coulant le long de la route. Pour mieux comprendre cet effet, on n’a qu’à réfléchir que le pont est le seul passage où le sol ne sera jamais exhaussé ; qu’il est aussi le seul par lequel les eaux peuvent s’écouler. Elles y seront conduites tout d’abord par cette raison que la ligne de plus grande pente sera inva-