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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/132

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une première cause de dégradation plus énergique ici qu’ailleurs ; mais elle disparaît en puissance à côté des suivantes.

J’ai déjà dit que les pluies étaient rares dans ces montagnes, mais toujours très-épaisses. On ne connaît ici, ni les brouillards, ni les brumes, ni ces pluies fines, longues, continues, qui sont, dans une grande partie de la France, l’état normal de l’atmosphère pendant six mois de l’année. — Rien n’égale la pureté de l’air et l’inaltérable sérénité du ciel de ces montagnes ; mais cet air si constamment sec, ce ciel si bleu et si limpide, l’unique charme de cette austère contrée, sont pour elle le plus funeste des présents. Comme ils rendent les pluies plus rares, ils les forcent par là même de tomber en flaques énormes[1].

Je m’explique. — Il est reconnu que la quantité d’eau qui tombe annuellement dans les pays de montagnes, toutes choses égales d’ailleurs, est plus grande que dans les pays de plaines. Il est reconnu aussi que cette quantité augmente à mesure qu’on s’approche des tropiques. Par conséquent, il doit tomber ici annuellement une quantité de pluie au moins égale à celle qui tombe dans le même temps à Paris. Mais tandis que la chute, à Paris, se distribue dans un intervalle de six mois, elle se consomme ici en entier dans quelques averses d’orage[2]. — Ceci explique tout[3].

Cette dernière cause surtout rend le climat des Hautes-Alpes plus hostile à la conservation du sol, je dirai presque plus dissolvant que celui des autres montagnes de la France. Son influence peut être mise hors de doute par une observation directe faite ici sur les lieux.

Il existe un point de passage très-remarquable, où le ciel passe presque subitement du climat de la Provence au climat du Nord : ce point est

  1. « C’est ainsi que l’on passe, dans les Alpes, des mois, presque des années, sans recevoir de pluies. Puis tout à coup les nuages arrivent de tous les points de l’horixon, s’entassent comme pressés par des vents opposés, et fondent en torrents qui entraînent tout dans leur cours. »
    (Mémoire de M. Dugied).
  2. On lit, par exemple, dans un Annuaire du département des Hautes-Alpes (année 1835), qu’en 1807 il n’y eut que dix-sept jours de pluie ou de neige dans tout le courant de l’année.
  3. Voyez sur l’action destructive des pluies violentes les exemples cités par Daubuisson (Traité de géognosie, tome Ier, page 115).

    Voyez aussi la note 13.