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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/136

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Queyras, que certains géologues ont considéré comme une roche primitive, ne se rencontre aussi que dans un petit nombre de vallées. Enfin, les roches d’émission sont dispersées çà et là comme des accidents. Tous ces terrains n’apparaissent donc que par lambeaux affectés à quelques localités.

— Mais ce qui forme la masse générale, la véritable substance de ces montagnes, c’est la triple formation du lias, du grès vert et de la mollasse[1].

On comprend de suite que des terrains d’une formation aussi récente, relevés sur des inclinaisons très-fortes, doivent former des masses peu solides et facilement altérables, sous l’action combinée des eaux, de la pesanteur et des agents atmosphériques. Telle est la friabilité de plusieurs de ces roches, qu’elles se délitent par le seul fait de leur exposition au soleil, sans le concours de l’humidité ni de la gelée. — C’est cette cause qui rend plusieurs passages de routes si coûteux à entretenir, si constamment malpropres, et souvent même si périlleux[2]. — Certaines variétés de calcaire, qui présentaient tous les caractères d’une grande dureté, et qui, sur la foi de cette apparence, avaient été exploitées pour en faire des enrochements, se sont réduites en terreau au bout de deux ans[3]. Ce n’est pas seulement dans quelques-unes de ces roches une simple désagrégation physique : il y a une véritable séparation de principes. La pierre, en se délitant, se tapisse d’efflorescences blanches, salines, qui paraissent être de l’alun, et qui sont le produit d’une décomposition intérieure. Elle se dépouille ainsi d’une partie de ses éléments, et perd tout à la fois sa cohésion physique et sa constitution chimique.

Or, tout cet ensemble de terrains, vraiment remarquables par leur incohésion, ne se retrouve pas dans les autres montagnes, et si on le rencontre ailleurs, ce n’est plus du moins avec les mêmes caractères. Les calcaires du lias ne ressemblent pas au calcaire du même étage qu’on ob-

  1. Voir la Statistique minéralogique du département des Hautes-Alpes, par M. Gueymard, ingénieur en chef des mines, 1830.
  2. À la Saulce, à Prunières, au Serre-du-Buis, à Montmirail, à Malfosse, etc., mais surtout aux Ardoisières, sur la route no 91 : ce dernier passage, par les temps pluvieux, est très-dangereux.
  3. On voit cela sur la digue de la Saulce.