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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/138

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ce genre sont plus rares et beaucoup moins violents, une seule vallée les présente sur l’échelle formidable de ceux d’Embrun ; et cette vallée offre précisément ce même genre de calcaires[1].

Achevons ces preuves. — Dans la vallée de la Romanche, où le terrain devient primitif, les torrents cessent brusquement. On peut observer là un contraste extrêmement remarquable. Une cascade[2] marque le passage des calcaires aux gneis. À gauche et du côté des gneis, la montagne se dresse à pic sur une hauteur de plus de 600 mètres, et les cours d’eau se précipitent en cascades. À droite et du côté des calcaires, le même revers s’incline suivant un profil doux, accidenté, semé de villages, et les cours d’eau le creusent en y formant des torrents[3]. Ceux-ci à la vérité ne sont pas remarquables par leur énergie : c’est là l’effet du climat que j’ai démontré plus haut ; car ils sont situés de l’autre côté du Lautaret, où commence le ciel pluvieux du Nord. Mais l’influence de la nature du sol, observée sur ces deux terrains, de nature différente, qui se touchent et sont soumis au même climat, n’en est pas moins démontrée d’une manière décisive[4].

On peut observer aussi beaucoup de bassins de réception qui sont creusés dans les gîtes de gypse. Ce genre de terrain se décompose surtout avec une extrême facilité sous l’influence de l’eau. — Il semble que cette propriété ait attiré en quelque sorte les torrents ; car elle a provoqué leur formation sur des points où il n’existe pas d’autre motif qui puisse en rendre compte[5].

Tout fortifie donc cette conclusion, que la nature géologique des Hautes-Alpes est la principale cause des torrents. Maintenant on peut à cette raison

  1. La vallée de l’Ubaye dans laquelle est située Barcelonnette.
  2. La cascade des Fréaux. Elle est formée par le ruisseau du Gas, qui traverse un plateau couvert de magnifiques prairies, et tombe du haut d’une falaise dans la vallée de la Romanche. La hauteur de la chute est d’environ 400 mètres.
  3. Par exemple, le torrent de Maurianne (improprement dit Mauriand), — celui de la Ruine, de Malatret, etc., etc.
  4. On a l’exemple d’un fait semblable dans les Basses-Alpes, près du Martinet, vallée de l’Ubaye. Le calcaire passe de la texture schisteuse à une texture compacte : aussitôt les torrents disparaissent, et l’Ubaye s’encaisse entre des berges solides et abruptes.
  5. Le torrent de Pals, — de Saint-Joseph.