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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/139

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première en rattacher plusieurs autres qui s’y enchaînent, et n’en sont, au fond, que des corollaires.

Ainsi, la formation récente des calcaires qui ont été relevés dans les Hautes-Alpes place cette chaîne, dans l’échelle des âges, à la suite de la plupart des montagnes de l’Europe. C’est là du moins ce qu’annonce la théorie de M. Élie de Beaumont[1]. Dans cette même théorie, les soulèvements les plus récents ont dû être en même temps les plus violents, puisqu’ils s’exerçaient sur des croûtes plus épaisses et probablement déjà tourmentées par des mouvements antérieurs. — Cette cause a pu achever d’enlever toute cohésion aux terrains des Hautes-Alpes, qui se trouvaient déjà, par la nature même de leur composition et de leur structure, si peu solides.

— Dans le fait, on voit ici, de quelque côté qu’on se tourne, le désordre d’une terre disloquée dans tous les sens, et bouleversée d’une façon terrible. Certaines vallées présentent l’image du plus épouvantable chaos. Les roches les plus compactes sont brisées, et comme broyées jusque dans leur noyau. — Voilà ce qui explique comment, dans un pays où les carrières s’ouvrent à chaque pas, il n’a pas été possible jusqu’ici de découvrir une seule bonne et saine qualité de pierre de taille. Voilà encore pourquoi les gîtes métallifères, disséminés avec profusion dans le haut du département, affectent des allures si capricieuses qui déroutent les exploitations et confondent toutes les prévisions de la science.

Enfin, n’est-il pas possible que l’âge récent de ces montagnes n’ait pas encore laissé le temps aux eaux de se créer un régime stable, comme aux montagnes de revêtir les formes qui mettent leur surface en équilibre avec la pesanteur et les agents extérieurs ? — Sans insister sur cette pensée, dont le développement me mènerait trop loin, je ferai remarquer que l’Amérique, qui est un nouveau continent pour les géologues aussi bien que pour les géographes, et dont la formation est même, dit-on, contemporaine des premières traditions de notre race, l’Amérique présente des exemples multipliés de cet état d’instabilité et de désordre, qui a dû suivre pendant longtemps les formations nouvelles.

Si cette dernière considération n’est pas tout à fait vaine, on doit, parmi ce grand nombre de torrents disséminés dans les Alpes, en trouver quel-

  1. Voyez la note 14.