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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/149

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d’instabilité. — Mais dans la Durance et les autres rivières semblables, l’instabilité se manifeste par des déplacements horizontaux du lit ; elle se manifeste dans les torrents par les altérations verticales du fond. Dans les premières, elle n’affecte que le plan ; dans ceux-ci, elle affecte le profil en long lui-même. — Voilà donc deux états d’instabilité distincts.

Or, remarquons d’un côté que les torrents, lorsqu’ils arrivent à leur deuxième période, prennent justement les caractères qui spécifient l’état d’instabilité des rivières. — D’un autre côté, nous avons vu (chap. I) que la Durance avait autrefois créé elle-même son thalweg, en comblant d’anciens lacs et en creusant son lit à travers les rochers qui les séparaient. C’est là une action toute pareille à celle qui caractérise la première période des torrents : elles tendent toutes les deux au même résultat, c’est-à-dire à la formation d’une courbe du lit régulière au milieu de terrains irréguliers ; et elles y parviennent par les mêmes moyens, c’est-à-dire par des exhaussements et par des érosions.

Il suit de là que les deux premières périodes de l’âge des torrents se retrouvent avec des traits tout à fait semblables dans les rivières divaguantes.

— Poussons plus loin encore. Toutes les rivières ne sont pas mobiles comme la Durance. Beaucoup se sont fait un lit fixe et un régime stable. Or, les torrents aussi finissent par arriver à la stabilité, et alors on peut leur assimiler ces rivières.

En raisonnant d’après cette analogie, toutes ces rivières n’auraient-elles pas, de même que les torrents, préparé leur régime par des périodes d’instabilité ?…

Lorsqu’on considère les larges vallées dans lesquelles coulent le Rhin, le Nil, le Mississipi et la plupart des fleuves qui circulent à la surface du globe, lorsqu’on observe que le fond de ces vallées est plat, nivelé par les eaux, et entièrement formé par leurs alluvions ; lorsque, remontant vers les temps les plus antiques de l’histoire, on voit, dans l’Égypte, dans la Chine, dans l’Inde, etc., les premières sociétés humaines, descendues peu à peu des hauteurs, occupées à lutter contre l’inconstance et les débordements monstrueux de leurs fleuves, n’est-il pas permis de croire que tous ces cours ont eu, pendant une longue série de siècles, des divagations pareilles à celles que manifeste aujourd’hui la Durance ? Mais peu à peu le champ de ces divagations s’est resserré, ainsi qu’on le voit si bien sur les torrents, et comme ceux-ci aussi ils ont fini par s’encaisser. — La Du-