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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/173

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enchantement, des touffes d’épines-vinettes, de buis, de genévriers, de lavandes aromatiques ; et toutesces plantes buissonneuses et vivaces, projetant dans tous les sens leurs racines, et entrelaçant leurs tiges, ont bientôt consolidé le terrain sous une bourre tenace.

Enfin, quelques communes, cherchant un salut contre les ravages incessants des torrents, ont eu recours à la même mesure, et elles l’ont appliquée aux montagnes qui recèlent les bassins de réception. Tel est le parti que vient de prendre le conseil municipal du bourg de Chorges. — Rien ne démontre mieux l’imminence du péril. Il fallait qu’elle fût frappante et terrible pour dompter l’obstination des habitants, et les forcer à s’imposer eux-mêmes des sujétions qui blessaient leurs intérêts présents[1].

Mais il ne faut passe le dissimuler ; plus d’une cause rendra l’application générale de cette mesure bien difficile. — D’une part, le climat de ces montagnes convient admirablement aux moutons : ils s’y engraissent ; ils échappent aux épizooties ; leur laine y prend une qualité supérieure. Les bergers de Provence seront donc toujours attirés par ces avantages, même quand ils ne seraient pas chassés hors des pâturages du Midi par les sécheresses estivales et le manque d’herbages. — D’un autre côté, les habitants, louant leurs montagnes, en tirent chaque année un revenu assuré, qui ne leur coûte ni fatigues, ni sacrifices. Des bénéfices si faciles seront toujours un grand appât à leur indolence et à leur pauvreté. Cette pauvreté d’ailleurs est une autre raison, et c’est la meilleure de toutes. Il est facile aux contrées riches de s’imposer des sacrifices ; mais comment exiger d’un pays pauvre qu’il renonce de bon gré à une partie de ses res-

  1. À Chorges, le quartier des Cottes, sur la rive gauche de la Vence, mis à la réserve depuis trois ans, est aujourd’hui couvert de gazon et débroussailles, et les eaux sauvages n’emportent plus le sol.

    La même mesure a été prise dans plusieurs localités des Basses-Alpes, entre autres, à Barème. Elle a toujours eu du succès.

    Les mêmes faits se sont produits à Orcières, aux Crottes, à Savines, au Queyras, à Réalon, etc., etc. Il n’y a peut-être pas une seule commune, à l’heure qu’il est, qui n’ait mis quelque quartier en réserve, ou qui ne soit à la veille de prendre cette mesure…

    Dans plusieurs parties de l’Isère, les habitants se sont syndiqués de leur propre mouvement pour proscrire les chèvres. On a introduit la même interdiction, comme clause, dans les baux de fermage.