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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/177

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D’autres communes ont conservé des bois qui, à la rigueur, suffiraient à leurs besoins[1] ; mais elles n’en sont pas plus heureuses ; et ce fait démontre bien que les forêts ont ici une tout autre destination que celle de satisfaire aux besoins quotidiens des habitants. — En effet, les déboisements, puis la charrue et les troupeaux, ont tellement usé le sol végétal, qu’il n’en reste plus qu’une mince couche, formée par la décomposition du roc qui est au-dessous et qui perce de tous côtés. Telle est la mobilité de ce terrain, qu’il coule aux moindres pluies, et laisse un fond aride à la place de champs cultivés. Chaque orage fait surgir un torrent nouveau. On en montre qui ne comptent pas encore trois années d’existence, et qui ont détruit les plus belles parties des vallées[2]. Des villages entiers ont failli être emportés par des ravins formés dans quelques heures[3]. Je l’ai déjà dit ailleurs, la plupart de ces torrents n’ont, pas même de nom. — Souvent les eaux sauvages, ruisselant en nappes libres sur la superficie du terrain, sans lit, sans ravin, sans torrent, ont suffi pour délayer et ruiner des quartiers entiers qui ont été abandonnés à jamais.

On peut voir ainsi dispersées çà et là sur plusieurs revers, les traces d’anciennes cultures et d’anciens héritages, dont les limites sont encore indiquées par des murs grossiers à pierres sèches, mais dont l’homme n’a plus approché depuis longtemps[4]. On imaginerait difficilement quelque chose de plus affligeant et de plus significatif que la vue de ces ruines ; elles écrivent sur les revers du Dévoluy la future destinée de toutes les Alpes françaises.

Ici reparaissent encore ces fortes preuves qui ne permettent aucun doute sur l’influence destructive des troupeaux. — Des communes, épouvantées de l’avenir, outrais quelques quartiers à la réserve[5]. Aussitôt la végétation a repris possession du sol. L’herbe, les broussailles, les ar-

  1. Les communes de La Cluse et de Saint-Disdier.
  2. Torrents de Laye. — Tous les torrents sans nom qui descendent du Mont-Auroux, vers le col de Festre.
  3. Village de Trujo, près de Saint-Étienne, sur le revers de la montagne de Lierravesse.
  4. Sur les coteaux d’Agnières, — au col du Noyer.
  5. Montagne de Chaumette, quartier de Maniboux, — quartier de Lierravesse, — quartier d’Auroux, près de Saint-Étienne.