Aller au contenu

Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont rares, et font l’unique ressource des habitants. Ceux-ci n’arrivent souvent à se créer un champ qu’après des prodiges de fatigues et de persévérance. Puis le torrent survient, qui leur arrache en une heure le fruit de dix années de sueurs.

La terreur qu’inspirent ici les torrents paraît jusque dans les noms qui leur ont été donnés. C’est ainsi qu’on a le torrent de l’Épervier ; puis les torrents de Malaise, de Malfosse, de Malcombe, de Malpas, de Malatretetc. Quelques-uns portent le nom de Rabioux (enragé) ; plusieurs autres celui de Bramafam (hurle-faim). — Il y en a qui sont à la veille d’engloutir des villages entiers, et même des bourgs. Là, il suffit d’un nuage sombre, planant au-dessus des sources du torrent, pour répandre l’alarme dans une commune entière.

La calamité des torrents n’est pas concentrée dans les bornes de ce département. Elle s’étend au dehors. Elle pèse sur une grande partie du département des Basses-Alpes, et d’une manière terrible sur une de ses vallées (celle de l’Ubaye, où est située Barcelonnette). On les retrouve encore dans les régions des départements de l’Isère et de la Drôme qui avoisinent les Hautes-Alpes. Mais ils ne sévissent nulle part avec autant de fureur que dans ce dernier pays ; et c’est dans l’arrondissement d’Embrun surtout qu’ils se montrent en plus grande abondance, et sous leurs dimensions les plus formidables. À mesure qu’on s’éloigne de ce territoire, qui est comme le centre de leur action, on les voit peu à peu s’affaiblir dans leur violence, en même temps qu’ils deviennent de plus en plus rares. En s’éloignant encore, leurs propriétés caractéristiques finissent par s’évanouir complètement.