Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/183

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pêcheraient pas même ceux qu’on dompterait dans le bas de poursuivre leurs ravages dans le haut ; de sorte qu’elles ne seraient jamais profitables qu’aux seules vallées. Enfin, je devrais dire qu’elles ne seraient pas même profitables aux vallées, puisqu’elles s’appliqueraient à des torrents qui sont dans la première période de leur formation, période que j’ai démontrée être inabordable à tout système de défense.

L’existence bien démontre d’un si grand nombre de torrents récents introduit dans le problème des défenses une considération toute nouvelle, devant laquelle les moyens ordinaires tombent entièrement. À présent, la question n’est plus seulement de s’opposer aux invasions des torrents ; elle est aussi d’empêcher leur formation ; sans quoi, on entreprendrait une œuvre qui serait à recommencer chaque jour, et dont la dépense n’aurait plus de terme.

Voilà donc la question scindée en deux problèmes distincts :

1o Prévenir la formation des torrents nouveaux ;

2o Arrêter les ravages des torrents déjà formés.

On devine déjà à l’aide de quels moyens on peut arriver à l’une et à l’autre solution. Cela ressort tout naturellement des faits développés dans la précédente partie. Qu’on veuille bien se rappeler tout ce que j’ai dit sur l’action des forêts et, en général, sur celle de la végétation ; combien, sur un grand nombre de points, celle-ci est encore tenace et résiste avec vigueur aux plus actives causes de destruction ; combien, sur d’autres points, elle a promptement surmonté ces causes dès qu’elle a pu se développer librement ; combien elle est efficace à empêcher la formation des torrents partout où elle prend pied ; combien elle a puissamment contribué à étouffer des torrents complètement formés, etc., etc.

Tous ces faits portent leur conclusion avec eux, et il est superflu de la faire ressortir : — c’est que la végétation est le meilleur moyen de défense à opposer aux torrents.

Si l’on part de cette idée, les deux problèmes sont ramenés à la discussion des procédés à suivre pour jeter la plus grande masse possible de végétation, soit sur les terrains menacés par de futurs torrents, soit à l’entour des torrents déjà formés. L’art alors se bornera à imiter la nature, à s’emparer de ses forces, et à les opposer habilement entre elles. Tout ce que nous allons entreprendre, la nature l’a déjà fait avant nous dans les temps passés, et elle le renouvelle encore aujourd’hui sous nos yeux, dès que nous la laissons opérer en liberté. Nous sommes donc assurés d’avance