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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/190

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sont l’armure naturelle, et le jour où elle sera détruite, le pays aura cessé d’exister.

On pourra lire dans le mémoire de M. Delafont (cité au chapitre 28) toutes les améliorations qu’il conviendrait d’introduire ici dans le régime des forêts. L’insuffisance des gardes est surtout un vice des plus palpables. Il faut connaître ces horribles montagnes pour se faire une idée de la difficulté que doit présenter le service de la surveillance des forêts, réparti entre un si petit nombre d’agents. — La raison de cette insuffisance est d’ailleurs facile à comprendre. La majeure partie des bois est ici la propriété des communes. La législation actuelle des finances[1] met à leur charge la totalité des frais de surveillance et de conservation. Et comme elles sont très-pauvres, elles font tous leurs efforts pour rendre ces frais les moindres possible. On sent d’ailleurs qu’il doit répugner à l’administration d’imposer des sacrifices trop lourds à des gens qui ont si peu de ressources. — Il serait indispensable, à cause de cela, que l’état vînt ici au secours des communes ou que la loi du 20 juillet 1837 fût modifiée.

Pourquoi ensuite l’état n’affecterait-il pas des fonds au reboisement des Alpes, comme il en affecte à tant d’autres travaux qui intéressent l’utilité générale ? Pense-t-on que ses deniers seraient mal employés à empêcher la ruine de l’un de ses départements ? L’état lui-même n’y gagnerait-il pas des forêts précieuses, dans un temps où les forêts deviennent de plus en plus rares ? — Tout à l’heure je reviendrai sur cet important sujet. J’essayerai de faire voir qu’il y a ici pour l’état une mission à accomplir, qu’il ne peut ni méconnaître ni repousser.


  1. La loi du 20 juillet 1837, art. 2.

    Cette loi amène ici des résultats déplorables, contre lesquels les administrations locales ont vainement réclamé. Les bois exigent ici, à égalité de superficie, autant et plus de surveillance que partout ailleurs, et ils rapportent beaucoup moins. Par conséquent, la loi qui force les communes de ce département à payer les frais de cette surveillance, les charge d’un impôt très-lourd, tandis qu’elle allège au contraire les départements dont les bois sont productifs. Ici, où les forêts portent surtout le caractère d’utilité publique, la loi écrase les propriétaires ; là, où les forêts sont beaucoup moins nécessaires, elle les soulage.