Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/193

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doit être de couvrir le bassin de réception par une forêt qui s’épaississe chaque jour, et qui, s’étendant de proche en proche, finisse par l’envahir jusque dans ses fonds les plus caches.

Si la végétation développée ainsi sur la superficie des zones de défense est gardée contre les troupeaux, si elle gardée contre les déprédations des habitants, si elle est soignée, entretenue, activée par tous les moyens possibles, elle enveloppera toutes les parties du torrent par un fourré très-épais, lequel réalisera à la fois deux effets également salutaires.

D’abord, il arrêtera les eaux qui ruissellent à la surface du sol, et il les empêchera d’entrer dans le torrent. S’il ne les empêche pas, au moins il les retardera, et nous savons que ce résultat est tout aussi heureux. Dès lors le torrent ne recevra plus que les eaux qui tombent verticalement du ciel dans son lit même : ce qui diminuera son volume dans la même proportion qui existe entre le bassin général de la montagne et l’ouverture strictement réduite de son lit. On comprend, par la grande différence de ces deux surfaces, quelle doit être la grande réduction du volume des eaux.

Ensuite, le terrain de ces zones ne peut plus être délayé par les eaux pluviales et entraîné dans le torrent ; ce qui diminuera d’autant la masse des alluvions. À la vérité, il peut être englouti peu à peu, si le pied des berges est sapé par les eaux ; mais c’est là un point nouveau dont je m’occuperai tout à l’heure, et sur lequel je prie qu’on suspende son jugement.

En résumé, pour peindre par un seul trait l’effet de ces dispositions, je dirai que le torrent se trouvera placé dans les mêmes conditions que s’il sortait du sein même d’une forêt profonde, qui l’envelopperait dans tous ses replis et dans laquelle il serait comme noyé. J’ai décrit ailleurs les résultats qui naissent d’une semblable circonstance. On se rappelle comment la forêt, luttant contre les eaux, finit par éteindre le torrent. Les mêmes effets se reproduisent ici, et il est inutile de les retracer.

Par la même analogie, on comprend que la végétation avançant toujours et gagnant chaque jour du terrain, doit descendre sur les berges et les tapisser jusque près du fond du lit, ainsi que cela est arrivé dans les torrents éteints. Mais la fixation des berges est un résultat d’une trop grande importance pour qu’on l’abandonne ainsi aux caprices du sol et au libre arbitre de la nature. Nous touchons ici à la troisième partie de l’opération. C’est là surtout qu’il importe de redoubler de soin, et de multiplier les artifices.