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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/227

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Ensuite, puis-je me dispenser de parler de cette opinion qui attribue aux forêts une influence sur la nature du climat ? — Si elle est fondée (et il faut convenir que les preuves ne manquent pas pour l’appuyer), ne résultera-t-il pas d’une masse épaisse de plantations, jetée sur le dos de ces montagnes, une action puissante, dont la sphère s’étendrait bien au delà des limites du département ? Cette influence, en tempérant le climat, augmenterait les produits du sol, et par là, le bien-être de la population et les revenus de l’État ; elle imprimerait dès lors aux travaux de reboisement un caractère incontestable d’utilité publique. — Je ne voudrais pas qu’on attachât à ces avantages une importance démesurée, puisqu’ils ne sont pas suffisamment démontrés ; c’est le motif pour lequel j’en ai usé très-sobrement tout le long de ce travail, quelque parti que j’en eusse pu tirer. Mais je ne voudrais pas, non plus, qu’on les mit tout a fait de côté, puisqu’après tout, ils sont loin d’être dénués de vraisemblance, et que leurs conséquences, dans le cas où ils seraient réels, sont d’un prix immense. — De petites probabilités, lorsqu’elles s’attachent à de si grands résultats, deviennent des considérations graves, qu’il n’est plus permis de négliger.

Mais une autre influence, bien mieux démontrée, est celle que la même opération exercerait sur les rivières qui prennent leur source dans ces montagnes. — Je crois que toutes les personnes qui ont réfléchi sur ces matières seront de mon avis, quand je dirai que l’effet des reboisements, s’ils étaient étendus à plusieurs départements, se ferait immédiatement ressentir par l’amélioration du régime des eaux courantes, dans une grande partie du bassin du Rhône. La navigation et le flottage seraient rendus plus faciles, et les divagations plus rares et moins désastreuses. Le bienfait s’étendrait à la fois sur le commerce et sur l’agriculture. Est-il juste dès lors que les charges d’une opération qui profitera à tant de caisses, pèsent en entier sur les caisses les plus pauvres ?

Je m’arrête là ; j’en ai dit assez pour faire entrevoir dans cette opération un grand nombre de considérations, qui la classent parmi celles dont l’État assume ordinairement la dépense. — Il ne me reste plus qu’à renvoyer le lecteur à la note (20), à la suite de ce mémoire. On verra là quelle est, au sujet des reboisements à effectuer sur une grande échelle aux frais du trésor, l’opinion d’un homme dont personne ne contestera l’autorité dans un sujet qui touche aux intérêts matériels du pays.