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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/233

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si stériles, sillonnés par de nombreux canaux d’irrigation, l’eau ruisselant partout avec profusion, de vertes prairies tapissant les pentes du terrain, de riants vergers à la place de maigres champs de seigle, les cultivateurs enrichis par l’accroissement des revenus du sol, et désormais sans crainte de trouver, après un orage, leur champ dévoré par les eaux, et le rocher mis à nu sur la place où ils espéraient voir lever une récolte !… À ceux qui savent jusqu’à quel point inconcevable l’eau transforme, dans certaines contrées, la valeur et la physionomie des terrains, de pareils tableaux n’offrent rien d’imaginaire ; et à ceux qui l’ignorent, il est difficile d’en donner une peinture exacte, sans avoir l’air de porter les choses au delà de la vérité.

Maintenant parcourons d’un regard général ces diverses propositions, et voyons quelles sortes d’objections pourraient leur être opposées. Nous n’en découvrirons pas une seule qu’il ne soit facile de réfuter avec avantage.

En les rassemblant par groupes, on peut les concentrer en trois points principaux, et cet ordre rendra le débat plus clair.

1o On peut contester la possibilité de reboiser les montagnes ;

2o Le reboisement étant supposé effectué, on peut nier qu’il soit assez efficace pour faire disparaître les torrents ;

3o Enfin, la contestation peut s’attaquer aux diverses mesures réglementaires, qui doivent servir d’accompagnement aux travaux de reboisement.

Au risque de repasser sur des points déjà débattus, nous allons examiner successivement, et dans leur ordre, chacune de ces trois objections. Ne vaut-il pas mieux risquer l’ennui de quelques répétitions, que de laisser derrière soi des doutes mal éclaircis et des questions sans réponse ?

D’abord, pour ce qui concerne la possibilité d’effectuer le reboisement, sans revenir sur les faits déjà cités, l’extinction des torrents, l’expérience des terrains mis à la réserve, l’exemple des Landes, etc., etc., n’est-elle pas démontrée de la manière la plus probante par ce fait même, que les montagnes qu’il s’agit de boiser aujourd’hui étaient déjà boisées anciennement ? Ne l’est-elle point, par l’existence de ce grand nombre de bois, débris mutilés des forêts antiques, que l’on voit ici dispersés par lambeaux sur toutes les croupes, attachés à toutes sortes de terrains, soumis à toutes les expositions, et qui se tiennent debout, victorieux contre les attaques incessantes des hommes et des eaux, des troupeaux et du climat, comme pour attester par leur seule présence combien leur énergie est su-