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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/234

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périeure à tous ces obstacles, que l’on voudrait nous faire considérer comme insurmontables ? Se peut-il qu’une chose que la nature entreprend d’elle-même et sans effort, qu’elle maintient avec tant d’obstination, qu’elle renouvelle partout où on la laisse libre de ses mouvements, devienne impraticable dès que l’homme se mêlerait de venir au-devant de la nature ? Et par quel caprice celle-ci retirerait-elle ses forces, précisément parce que l’homme les lui demande, et qu’il a compté sur elles ?

On cite souvent les tentatives faites par des particuliers, qui ont vainement essayé de replanter certains terrains. — On ne réfléchit pas qu’il existe un grand nombre de causes, capables de faire avorter une expérience isolée, et qui disparaissent, lorsqu’il s’agit d’une entreprise faite sur une échelle générale.

Qui nous dit que le propriétaire ait convenablement choisi l’essence de ses arbres ? qui nous garantit qu’il ait eu recours aux procédés les mieux appropriés à la nature de son terrain, ou qu’il ait appliqué à ses essais toute la persévérance, tous les soins et toutes les dépenses désirables ? — On ne pratique d’ailleurs guère ces reboisements que sur des terrains dont on ne peut tirer aucun autre parti. Il est bien rare qu’un propriétaire s’avise d’attendre patiemment la venue incertaine des chênes et des sapins, quand il a la possibilité de faire sortir immédiatement du même sol de bonnes récoltes. De façon que ces sortes d’expériences n’embrassent, le plus ordinairement, que de courts espaces de terrains, ce qui est déjà un désavantage, et de plus, des terrains de mauvais fond, ce qui est un autre désavantage.

Combien dans le reboisement, tel que nous l’avons présenté, toutes les circonstances sont autrement disposées pour la réussite !

D’abord, nous ne nous obstinons pas à faire réussir des plantations, la où les plantations n’auraient aucune chance de succès. Aux terres arides et bouleversées, où les arbres viendraient probablement fort mal, où même ils ne viendraient pas du tout, nous ne demandons pas de produire des arbres ; nous nous contentons d’y favoriser simplement la venue des broussailles. Ce résultat, comme on le sait, nous suffit, et en remplissant, au moins provisoirement, notre but, il dispose le sol à recevoir par la suite une végétation plus robuste. — Or, on peut poser en principe, qu’il n’est aucune sorte de terrain qui ne soit propre à porter quelque espèce de broussailles. On voit ici les hippophaës dresser leurs tiges épineuses sur les cailloux les plus nus de la Durance, et des torrents ; au