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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/241

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Si les habitants étaient conduits peu à peu à substituer des bœufs et des vaches à leurs désastreux troupeaux de chèvres et de moutons, ils sentiraient le besoin d’augmenter leurs récoltes de fourrages, pour fournir à la subsistance de ces bêtes pendant l’hiver. Les voilà donc sollicités encore une fois à augmenter leurs prairies. — C’est ainsi que tout s’enchaîne, et que les améliorations se suivent à la file, l’une entraînant l’autre, de même que nous l’avons vu plus haut pour les éléments de destruction.

Je passe sous silence cette mesure qui commettrait aux préfets le droit de mettre sous le régime de la réserve les quartiers appartenant aux communes, où ce régime serait reconnu nécessaire. — Comme elle ne serait jamais appliquée qu’aux terrains désolés, et qu’elle a pour objet de les restituer à la végétation, en les garnissant de forêts, de buissons ou de gazon, il est bien manifeste que les habitants ne peuvent que gagner à ce changement. Ce qui le prouve, c’est que, dès à présent, et sans contrainte, on voit les communes mettre une foule de quartiers en réserve. Elles s’y portent librement, poussées seulement par la conscience de leur intérêt, et malgré les obstacles que leur suscite, dans plusieurs cas, l’opposition des particuliers lésés, opposition généralement toute-puissante dans les petites localités, mais qui n’a pu prévaloir ici contre l’évidence des faits et l’autorité d’une conviction universelle.

Passons aux règlements de pâturage.

La encore, il est aisé de démontrer que les mesures proposées sont toutes favorables aux troupeaux, contre lesquels elles semblent d’abord dirigées. — Elles consistent en effet, soit à interdire absolument certains quartiers aux troupeaux, soit à limiter sur d’autres quartiers le nombre des bêtes qui pourraient y paître. Elles consistent, en un mot, dans un sage équilibre a établir entre la force des troupeaux et les ressources des terrains qui les nourrissent. Eh bien ! quel sera l’effet d’une semblable restriction, maintenue pendant quelques années avec fermeté, et combinée avec les travaux le reboisement ? — Il sera de regénérer les quartiers épuisés, de rappeler la verdure sur les lieux d’où la présence des troupeaux l’aurait éternellement proscrite ; il sera donc d’augmenter le produit et l’étendue des pacages, et partant, d’accroître le nombre des bestiaux.

Il n’est pas rare aujourd’hui de voir un très-médiocre troupeau éparpillé sur des superficies immenses, qui suffisent à peine à le nourrir, tant le sol est usé par le piétinement ou par la dent des bêtes ; et plus un pacage est ainsi appauvri, plus elles achèvent de l’épuiser, parce qu’elles s’achar-