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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/240

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rait eu d’autre effet que de les forcer à tirer de leur sol le meilleur parti possible.

Les prairies sont, sans contredit, le genre de culture le mieux approprié aux pays de montagnes. Au lieu d’ameublir le sol, elles le relient, elles le retiennent fixe sur des talus, d’où une terre labourée s’écoulerait incessamment. Elles exigent peu d’engrais et en donnent beaucoup, par les bestiaux qu’elles permettent d’élever. Elles n’épuisent pas la terre, et livrent chaque année les mêmes produits, sans qu’on ait besoin de revivifier le fond par des jachères ou des assolements. Avec des prairies, le cultivateur peut se passer de main-d’œuvre, de bêtes de trait, de tout cet attirail de labour et d’instruments aratoires, dont le transport au milieu de ces montagnes est toujours si embarrassant et si pénible, souvent même si périlleux. Avec des prairies, il n’a plus à redouter, ni les gelées tardives du printemps, ni les gelées précoces de l’automne, ni les gelées excessives de l’hiver, ni les longues pluies, les grêles et les orages de l’été, ni les insectes dévorants, ni le maraudage de l’homme. Est-il étonnant qu’avec un tel nombre d’avantages, les prairies soient plus recherchées qu’aucune autre sorte de culture, et qu’une terre, ainsi transformée, se vende plus cher, et rapporte davantage qu’un champ labouré ?

Puisque, dans cette substitution des prairies aux champs cultivés, l’intérêt particulier se trouve donc si parfaitement d’accord avec l’utilité publique, il semble que l’on ne puisse employer trop de moyens pour y attirer insensiblement la population. Et si l’on adoptait nos idées, elle s’y trouverait doublement entraînée, et par son intérêt, qui lui commanderait de former des prairies, dès qu’elle aurait la faculté de les arroser, et par la contrainte des règlements, qui lui susciteraient des sujétions gênantes pour toute autre espèce de culture.

Aux précédents motifs pourra se joindre un troisième, provenant des restrictions introduites dans le pâturage des chèvres et des moutons. — Elles détermineront vraisemblablement les habitants à multiplier le gros bétail, qui est aujourd’hui fort rare dans le pays. — Le gros bétail est loin d’être aussi nuisible aux pacages, que le sont les chèvres et les moutons ; ce qui tient, en partie, à une conformation différente des dents. Il donne d’ailleurs plus d’engrais. Il fournit des attelages à la charrue et aux charrettes ; sa viande est plus nourrissante, son laitage plus recherché. Ce genre d’élève devrait donc être fortement encouragé, et je ne crois pas qu’il le soit beaucoup, à l’heure qu’il est.