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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/247

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levard aux vallées, et les défendraient contre l’écroulement des parties supérieures. Les habitants jouiraient à la fois du bénéfice des champs cultivés, des forêts et des troupeaux. Chacun de ces produits, sagement resserré dans la région qui lui convient, laisserait un libre champ au produit voisin ; les troupeaux ne nuiraient plus aux cultures, ni les cultures aux forêts ; et le territoire, utilisé ainsi dans toutes ses parties, rendrait tout ce qu’il est capable de rendre.

Sans parler du changement heureux que ces nouvelles forêts pourront introduire dans le climat, ne peut-on pas compter, avec beaucoup de raison, sur l’apparition d’un grand nombre de sources que la chute des bois a fait tarir, et que leur résurrection ramènera vraisemblablement au jour ? Ces sources répandraient autour d’elles la fécondité et la fraîcheur ; tandis que les eaux des torrents, devenues tranquilles, fourniraient à l’agriculture d’abondants arrosages et du limon, à l’industrie, des forces motrices d’une inépuisable puissance, qu’on s’étonnera sans doute un jour d’avoir laissé dissiper pendant si longtemps, sans aucune utilité pour la société.

La destruction des torrents et des ravins, et la stabilité générale des terrains, permettraient d’ouvrir à peu de frais de bonnes communications vicinales. Ces chemins, à présent dispendieux et constamment dégradés, rendus plus solides et plus multipliés, porteraient la vie jusque dans les derniers recoins de ces montagnes. Ils faciliteraient même, en beaucoup d’endroits, l’exploitation des terres, que l’incommodité des communications rend souvent fort difficile, et quelquefois impraticable.

Alors aussi, rien n’empêcherait de multiplier à peu de frais les canaux d’irrigation. Aujourd’hui, on n’aborde ces excellents ouvrages qu’en tremblant, à cause des difficultés, parfois insurmontables, que présentent les passages des torrents ; et lorsque enfin ces obstacles sont vaincus, on en voit naître à tout instant de nouveaux, à cause de l’incohésion extrême du sol. Les orages, en emportant les terres, coupent le canal ; les revers friables à travers lesquels il ruisselle laissent filtrer ses eaux, et le mettent à sec ; les éboulements de terrains le comblent. Toutes ces difficultés dans la construction, dans le curage, dans l’entretien, sont telles, qu’elles ont souvent fait reculer devant l’exécution des canaux les plus utiles. Du jour où elles seraient enlevées, ces ouvrages n’offriraient plus rien de difficile ni de coûteux, et ils pourraient être aisément répandus dans toutes les parties du territoire.