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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/281

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pour les longs et difficiles travaux des desséchements de marais. Le décret, au contraire, ne concernait que des ouvrages généralement peu dispendieux et peu considérables, comparativement à ceux englobés dans cette loi, et il avait abrégé les formalités, parce que l’intérêt public exige souvent que ces ouvrages soient élevés à la hâte et sans perdre de temps.

Il faut croire que si le décret du 4 thermidor n’a jamais été considéré comme abrogé dans les départements pour lesquels il avait été spécialement rendu, c’est qu’on a pensé que les motifs qui l’avaient inspiré en 1805, et qui lui avaient attaché ce caractère de spécialité, en le plaçant en dehors des lois ordinaires, et en bornant son action dans une enceinte déterminée, on a pensé, dis-je, que ces motifs subsistaient encore en 1807, comme ils subsistent encore aujourd’hui, et qu’ils le mettaient hors de l’influence des lois, faites généralement pour le reste de la France.

(Voyez au sujet de ce décret la Notice des principales lois, décrets, ordonnances, etc., relatifs aux rivières, torrents, etc., par Morisot, chef de bureau à la préfecture des Basses-Alpes, 1821. — Il existe aussi dans les cartons de la préfecture des Hautes-Alpes un excellent règlement, qui développe le décret du 4 thermidor, et qui a été rédigé en 1832 par M. Gauthier, conseiller de préfecture.)

Nous avons vu que la dépense de l’établissement des digues était supportée par les propriétaires intéressés, chacun y contribuant suivant la cote déterminée dans un rôle de répartition dressé par des syndics. — Je ne veux pas quitter ce sujet sans dire un mot de la manière dont ce rôle est habituellement dressé.

On commence par répartir tous les intéressés en un certain nombre de classes, déterminées par les chances plus ou moins probables d’inondation. On range dans la même classe toutes les propriétés qui ont à peu près la même chance d’être envahies par le torrent ; on affecte ensuite à cette classe un certain chiffre, qui n’exprime pas autre chose que la chance relative d’envahissement. Ce chiffre est d’autant plus élevé que la classe est plus menacée, et si l’on admet qu’une certaine classe soit deux fois plus menacée qu’une autre, le chiffre de la première sera double de celui de la seconde.

La classification ainsi faite, et ces rapports une fois établis, on multiplie la surface de chaque propriété par le chiffre de la classe à laquelle elle appartient : ces produits expriment la cote relative de chaque intéressé. Il n’y a plus qu’à diviser la dépense totale proportionnellement à ces cotes.

C’est ainsi que l’on dresse ces rôles. Mais cette manière de procéder n’est pas la plus rigoureuse, ni la plus équitable possible. La cote ne doit pas être déterminée proportionnellement à la superficie des terrains, mais proportionnellement à leur valeur.

En effet, il est possible que deux terrains rangés dans la même classe et, par conséquent, soumis à des chances égales d’irruption, se trouvent avoir exactement la même superficie, sans qu’ils aient la même valeur vénale. Ainsi, le sol peut être meilleur dans l’une que dans l’autre, ou bien il a été mieux amendé, ou bien il est d’un accès plus commode, ou bien il renferme des habitations de campagne, et d’autres agréments qui augmentent le prix de la propriété. Il est bien évident, dès lors, que si les deux propriétés sont également anéanties par le torrent, celui qui possède la première aura subi une perte plus considérable que celui qui aura perdu la seconde, Donc, il est plus intéressé que l’autre à l’établissement de la digue ; donc, il doit contribuer pour une plus forte part à son établissement. Et pourtant il suit de la règle