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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/285

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tagne ; alors le torrent se partage en deux courants, et il arrive bientôt à chacun de ces deux courants ce qui est arrivé au courant principal. Ainsi, les terres fertiles de la vallée disparaissent sous ces monceaux de pierre et de sable. Comme ces torrents sont très-multipliés, il arriverait un jour que, leurs dépôts venant à se joindre, toute une vallée deviendrait stérile, et ne pourrait nourrir ses habitants.

» Nous avons vu que les torrents secondaires ne déposent les graviers et les pierres qu’ils charrient de la montagne que parce que leurs eaux n’étant plus contenues par des rives lorsqu’elles entrent dans la vallée, elles se disséminent sur une grande surface et perdent ainsi leurs forces ; elles ne peuvent pas entraîner plus loin les pierres et le gravier qu’elles abandonnent à plus ou moins de distance de la montagne. Ceci nous indique la marche à suivre pour nous rendre maîtres de ces torrents jusqu’à leur embouchure, et les empêcher de couvrir les terres de graviers.

» Je proposerai donc, conformément à ce principe :

» 1o De creuser un lit au torrent dans le dépôt qu’il a percé à la sortie de la montagne ;

» 2o De donner peu de largeur à ce lit, mais beaucoup de profondeur, afin que les eaux y soient resserrées, comme elles le sont dans le lit naturel que le torrent s’est creusé dans la montagne, et qu’elles continuent à entraîner les pierres et graviers ;

» 3o De porter les graviers qui sortiront de ces fouilles à quelque distance du bord pour en former deux digues parallèles à ce nouveau lit ;

» 4o D’évaser l’entrée du nouveau lit du côté de la montagne, afin de recueillir les eaux et de fortifier par de grosses pierres ces parties évasées ;

» 5oDe planter des digues en saule et d’autres bois qui croissent facilement ;

» 6o D’avoir soin de purger les obstructions qui pourraient se former dans le nouveau lit, après chaque irruption du torrent.

» On voit qu’il n’est besoin d’aucun ouvrage d’art pour contenir les torrents secondaires, que les habitants de chaque village, avec leurs pelles, leurs pioches et quelques brouettes, peuvent soustraire le territoire aux ravages. Il est bien à désirer qu’étant éclaircis sur leurs véritables intérêts, ils perdent enfin cette insouciance qui les empêche de prévenir leur ruine ou de la réparer.

» Il faut observer qu’il n’est pas nécessaire que le nouveau lit soit creusé sur toute sa longueur dans une seule campagne. Il suffit de commencer au pied de la montagne, et de terminer la partie ouverte, dans une année, par une pente plus douce que celle du dépôt du ravin, afin de donner une issue aux eaux. Ainsi, les habitants auraient tort de s’excuser sur l’impossibilité de faire le travail dans le même temps. Au reste, des communautés voisines peuvent s’aider mutuellement.

» Les avantages que les communes retireraient de ce travail sont considérables ; car non-seulement elles n’auraient pas à craindre de nouvelles invasions du torrent, mais les côtés du torrent, n’étant pas exposés aux eaux, pourraient être cultivés utilement, en les arrosant avec les eaux du torrent qu’on dériverait de la partie supérieure. »