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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/293

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branches. En attendant, il nous suffit de dire qu’autrefois cela était peu fréquent. Ce qui le prouve, c’est qu’en général les rivières étaient prises pour limites des territoires des communes ; ce qui n’aurait pas été si, dans ce temps-là, ces rivières avaient été sujettes aux mêmes divisions qu’aujourd’hui. Or, il est visible que ces divisions, en plusieurs branches, portent un très-grand préjudice à la navigation et à la flottaison des rivières.
150. » Le cinquième désastre consiste dans les contestations que les divisions des rivières font naître entre les propriétaires riverains opposés.

» Car, si dans l’origine et à l’époque où la rivière n’avait qu’un lit, le courant formait la ligne divisoire, il est visible que ce courant, venant à changer par la division en plusieurs branches, la ligne divisoire changera aussi. Sa position devenant variable et incertaine, il faut qu’il en résulte des procès, et c’est malheureusement ce qui n’arrive que trop souvent. Cependant la chose n’aurait pas lieu si l’on n’avait pas détruit les bois et les couches de terre végétale sur les montagnes.

151. » Le sixième désastre résulte des dépôts qui se forment à l’embouchure des fleuves et qui interceptent souvent la navigation.

» Car il est démontré, par l’expérience, que les atterrissements qui se forment à l’embouchure des fleuves, gênent extrêmement la navigation. Il est aussi démontré, par l’expérience, que ces atterrissements se sont opérés beaucoup plus rapidement dans ces derniers temps qu’autrefois. L’exemple du Rhône que nous avons rapporté au n. 11, en est une preuve convaincante. Or, ces dépôts ne peuvent provenir que des dépouilles des montagnes défrichées.

146. » Enfin, le septième désastre consiste dans la diminution des sources qui alimentent les fleuves et les rivières dans leur état ordinaire.

» Nous avons vu que les sources provenaient des eaux pluviales qui, filtrant à travers la terre, se rendaient dans des réservoirs souterrains d’où elles s’échappaient ensuite par de petits canaux et paraissaient à la surface de la terre. Or, si les montagnes se dépouillent de leur couche de terre végétale et qu’il n’y reste plus que le rocher nu, il est visible que les eaux pluviales ne filtreront plus et qu’elles s’écouleront toutes superficiellement : donc les sources doivent diminuer ainsi que les rivières qu’elles alimentent ; il viendra même un temps où les rivières qui, aujourd’hui, sont navigables, cesseront de l’être. À la vérité, cette époque est encore éloignée ; mais tôt ou tard elle arrivera si l’on ne détruit pas la cause qui doit opérer cet effet… »