Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/59

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Tous ces faits, quelque prodigieux qu’ils paraissent, sont attestés par une foule d’exemples ; il est, je le sens, nécessaire d’en citer.

En 1837, plusieurs voituriers, et, en même temps, un conducteur des ponts et chaussées, sont arrêtés, pendant un orage, au passage où le torrent de la Couche traverse à ciel ouvert la route royale no 94. — Le torrent était encore à sec, lorsqu’un tourbillon de poussière descend le long du lit, et devant leurs yeux, des blocs franchissent la route en bondissant.

En 1821, le tablier du pont de Boscodon est balayé par un coup de vent, sorti avec fureur de la gorge du torrent. Les eaux arrivent ensuite et passent entre les culées du pont décoiffé. — Cet événement eut lieu dix minutes après le passage du préfet, et sous les yeux d’un grand nombre de campagnards, occupés à la moisson. Le préfet, doutant de l’exactitude du fait, en fit venir plusieurs devant lui ; il les interrogea, et forma une espèce d’enquête qui confirma tous les détails de l’événement, tel qu’il vient d’être rapporté[1].

À Guillestre, en 1836, il y eut un épouvantable débordement dans le ruisseau de Rif-Bel, qui traverse le milieu du bourg. Plusieurs personnes étaient debout près d’un pont, attentives au bruit qui se faisait dans la montagne, lorsqu’un bloc énorme, sans aucune cause apparente, est projeté à leurs pieds, à plus de 4 mètres au-dessus du lit.

Le torrent des Moulettes, qui menace le bourg de Chorges, déborde chaque année, et il donne chaque fois l’occasion de vérifier des faits de ce genre. — En juillet 1838, une petite pluie, tombée sur les aiguilles de la montagne, avait attiré quelques habitants sur la digue du torrent. Bientôt le souffle avant-coureur fait rouler les blocs avec une telle violence que tous les curieux se retirent à la hâte. Dans ce moment la digue, qu’ils viennent de quitter, s’abat, pour ainsi dire, sur leurs talons : c’était un mur massif, maçonné à chaux et sable, de 2 mètres d’épaisseur et de 5 de hauteur. La rupture se fit sur une longueur de 25 mètres, avec une détonation qui fut entendue à plus de 3 000 mètres. Elle souleva un nuage de poussière, à travers laquelle on vit couler la lave, qui marcha

  1. Dans les Basses-Alpes, en 1830, un pont construit sur le torrent du Pas-de-la-Tour, et élevé de plus de 12 mètres au-dessus du lit, fut emporté de la même manière, avant l’arrivée des eaux.