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Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/78

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matières qu’il avait d’abord déposées. Au milieu de ces oscillations, la propriété attractive ne cesse pas de se manifester, et elle finit toujours par dominer toutes les perturbations. Souvent même son effet est tellement intense, qu’il rend nécessaire de garantir les digues continues contre les affouillements, sur les lits, où, au premier aperçu, les affouillements sembleraient ne devoir jamais être à redouter[1].

De là résulte encore cet autre effet très-singulier. C’est qu’une digue continue garantit à la fois, et le côté sur lequel elle est établie, parce qu’elle le ferme au courant, et le côté qui lui est opposé, parce qu’elle en éloigne les eaux, en les attirant à elle. — Ce fait peut être observé sur une foule de points de la Durance[2].

Les épis produisent des effets moins constants, et qui dépendent beaucoup de la manière dont le courant les attaque ; manière qu’il est assez difficile de déterminer à priori. — Si l’incidence du courant se fait au ventre de l’épi, il se portera vers le musoir, en coulant le long de l’ouvrage, comme il ferait le long d’une digue continue ; ce mouvement le poussera sur la rive en face. Si l’incidence se fait au musoir, il y aura une réflexion qui rejettera l’effet hostile plus loin à l’aval. — Mais le plus généralement les épis sont placés de telle manière qu’ils déterminent un remou, et par suite un atterrissement : de là, un effet nouveau qui complique, et souvent détruit l’effet des deux propriétés. Dans ce cas le courant, repoussé loin de la rive qu’il a exhaussée par ses dépôts, s’infléchit au devant de l’épi sans même le mouiller, et s’en va creuser une anse dans le sein de la rive opposée. C’est donc encore cette rive qui subit les conséquences nuisibles de l’établissement de l’épi[3].

  1. C’est ce qui est arrivé sur le torrent de Sainte-Marthe et sur celui des Graves, quoique toutes deux déposent constamment. — Voici un autre exemple fort remarquable : sur le torrent de Chorges qui exhausse son lit avec une rapidité effrayante, un perré construit par les habitants contre les prescriptions des ingénieurs, et sans enrochement, a été abîmé par suite d’un affouillement. On croyait que ce torrent ne pourrait jamais affouiller.
  2. À l’Êtret, on construisit, il y a dix ans une digue, sur la rive droite de la Durance. La digue parut hostile aux propriétaires de la rive opposée, qui en réclamèrent la démolition. Les autres demandèrent qu’elle fût conservée. Pendant que les deux partis étaient en train de s’attaquer, la Durance s’accola au pied de la digue, et depuis ce moment elle ne l’a pas quitté : la contestation tomba ainsi d’elle-même.
  3. Cette manière d’agir des épis est la plus ordinaire. Il suit de là qu’ils réussissent presque