Page:Surell - Étude sur les torrents des Hautes-Alpes, 1841.djvu/79

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On voit, d’après tout cela, qu’il est à peu près impossible de défendre une rive, sans attaquer avec plus ou moins de violence la rive opposée. Si vous construisez des épis, vous repoussez presque toujours le courant sur la portion de rive située en face de l’ouvrage. Si vous construisez une digue continue, vous épargnez la rive en face ; mais vous transportez l’attaque un peu plus loin à l’aval. Entre ces deux inconvénients, il faut choisir le moindre ; et le moindre est celui qui vient à la suite des digues continues.

D’ailleurs, en y réfléchissant, on découvre une raison générale qui fait qu’une ligne de défense, établie sur une seule rive, sera toujours, quoi qu’on fasse, plus ou moins nuisible à la rive opposée. C’est que les eaux, qui divaguaient naguère sur la surface du lit tout entière, ne peuvent plus divaguer que sur une portion limitée de la même surface : cette portion sera dès lors plus souvent mouillée par les eaux. Cet effet est inévitable, car, par cela même qu’on a empêché le courant de pénétrer dans l’enceinte de la défense, on l’a forcé de se diriger ailleurs ; et la probabilité que tel point de la rive opposée sera touché, s’augmente par l’impossibilité où sont les eaux de suivre un grand nombre de directions, qui, avant l’établissement de la défense, les auraient éloignées de ce point.

Il y donc un caractère d’hostilité qui s’attache inévitablement à toutes espèces de défenses. — C’est ici le lieu d’examiner la législation qui intervient pour l’empêcher ou pour l’assujettir à des indemnités.


    toujours, et qu’ils agissent bien réellement de la manière que l’ont annoncé Bélidor, Fabre et les autres partisans de ce système de défense. — Il y a ici sur la Durance et sur le Buëch des exemples de succès très-concluants. Je ne m’appesantis pas sur ces effets, comptant y revenir avec d’amples détails, quand je traiterai de ces rivières. — Les observations de M. Beaudemoulin sur la Loire (Annales des ponts et chaussées, tome 7), celles de MM. Legrom et Chaperon sur le Rhin, sont loin d’être aussi favorables aux épis : cela prouverait que leurs effets varient beaucoup, suivant les rivières sur lesquelles on les observe. En même temps, cela ne montre-t-il pas la nécessité de faire quelques bonnes études partielles sur un certain nombre de rivières, avant de songer à édifier une théorie générale ? Rien n’est si vague encore que la connaissance des cours d’eau naturels ; chaque observation nouvelle remet en doute les systèmes précédents. De bonnes Monographies sont le seul moyen d’arriver un jour à constituer une science positive et complète.