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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 10, 1904.djvu/152

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LE RÉGIME MODERNE


se résigner d’avance à n’en tirer qu’un médiocre revenu, 10, 5 et parfois 3 pour 100 du prix d’achat[1]. Une fois achetée, la place, surtout si elle était haute, comportait une représentation, des réceptions, une table ouverte, une grosse dépense annuelle[2] ; souvent on s’y endettait ; l’acquéreur savait que son acquisition lui rapporterait plus de considération que d’écus. D’autre part, pour être investi, il devait obtenir l’agrément du corps dont il devenait membre ou du patron qui conférait l’office, c’est-à-dire être considéré par ses futurs collègues comme un collègue acceptable, ou par le patron comme un hôte, un invité, un familier possible, en d’autres termes présenter des répondants, fournir des garanties, prouver qu’il avait l’aisance et l’éducation nécessaires, que ses mœurs et ses manières le qualifiaient pour son emploi, que, dans ce monde où il entrait, il ne ferait pas disparate. Pour se soutenir dans une charge de cour, il était tenu d’avoir le ton de Versailles, autre que le ton de Paris et des provinces[3]. Pour se soutenir dans une haute charge parlementaire, il était obligé de posséder les alliances locales, l’autorité morale, les traditions et la tenue qui se transmettaient de père en fils dans les vieilles familles magistrales, et qu’un simple avocat, un robin ordinaire, ne pouvait avoir[4]. Bref, dans

  1. La Révolution, tome VIII, 160 à 165.
  2. L’Ancien Régime, tome I, 181 à 185, 202.
  3. Comte de Tilly, Mémoires, I, 155 : « Il y avait à peu près une différence aussi sensible entre le ton, le langage de la cour et celui de la ville, qu’entre Paris et les provinces. » — L’Ancien Régime, tome I, 220.
  4. De là l’insuccès du parlement Maupeou.