Aller au contenu

Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 10, 1904.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
LE RÉGIME MODERNE


date, Bonaparte a gagné la bataille de Marengo ; le chirurgien restaurateur se sent plus libre de ses mains ; il peut, sans danger ni résistance, opérer largement, procéder par rattachements collectifs. Le 20 octobre 1800, un arrêté retranche de la liste des catégories entières, toutes les personnes dont la condamnation est trop grossièrement injuste[1] ou malfaisante, d’abord les mineurs de moins de seize ans et les femmes d’émigrés, ensuite les laboureurs, artisans, ouvriers, journaliers et domestiques avec leurs femmes et leurs enfants, enfin les dix-huit mille ecclésiastiques qui, bannis par la loi, ne sont partis que pour obéir à la loi, outre cela, « tous les individus inscrits collectivement et sans dénomination individuelle », tous les individus déjà rayés, mais provisoirement, par les administrations locales, d’autres classes encore. De plus, et en fait, nombre d’émigrés encore maintenus sur la liste se glissent, un à un, en France, et le gouvernement les y tolère[2]. Enfin, dix-huit mois plus tard, aussitôt après la paix d’Amiens et le Concordat[3], un sénatus-consulte achève la grande

  1. Thibaudeau, ib. (Paroles du Premier Consul) : « Il n’y a jamais eu de listes d’émigrés, il n’y a que des listes d’absents. La preuve, c’est qu’on a toujours rayé. J’ai vu, sur les listes, des membres de la Convention même et des généraux. Le citoyen Monge y était inscrit. »
  2. Ib., 97 : « Le ministre de la police faisait sonner bien haut l’arrestation et le renvoi de quelques émigrés rentrés sans autorisation ou qui inquiétaient les acquéreurs des biens, et, en même temps, il accordait de toute main des surveillances à tous ceux qui en demandaient, sans avoir égard à la distinction faite par l’arrêté du 28 vendémiaire. »
  3. Sénatus-consulte du 26 avril 1802.