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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 10, 1904.djvu/172

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LE RÉGIME MODERNE


buées et exercées de façon à mieux satisfaire le désir légitime de s’élever, qui est le besoin dominant de la démocratie et du siècle, et de façon à mieux désarmer les passions mauvaises de la démocratie et du siècle, qui sont l’envie niveleuse, la rancune antisociale et les inconsolables regrets de l’homme qui n’est point parvenu. Jamais le concours humain n’a rencontré un pareil juge, si assidu, si expert et si autorisé. — Lui-même il a conscience de ce rôle unique ; son ambition, qui est la plus haute et la plus insatiable de toutes, lui fait comprendre l’ambition des autres ; mettre partout l’homme qui convient au poste dans le poste qui convient à l’homme, voilà ce qu’il a fait pour lui-même, et ce qu’il fait pour autrui. Il sait qu’en cela surtout consiste sa force, sa popularité profonde, son utilité sociale : « Personne, dit-il[1], n’a intérêt à renverser un gouvernement où tout ce qui a du mérite est placé. » — Et il répète son mot significatif et définitif, son résumé de la société moderne, une image solennelle et grandiose, empruntée aux souvenirs légendaires de la glorieuse antiquité, la réminiscence classique des nobles jeux d’Olympie : « Désormais la carrière est ouverte aux talents ».

V

Considérons maintenant la carrière qu’il leur ouvre et les prix qu’il leur propose. Ces prix sont étalés à tous

  1. Rœderer, III, 332 (2 août 1800).