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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 10, 1904.djvu/274

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LE RÉGIME MODERNE


action. — Qu’est-ce donc lorsque la société locale adjoint à son objet naturel et inévitable un objet facultatif et supplémentaire ; quand, par surcroît, elle entreprend de défrayer l’assistance publique et l’éducation primaire ; quand, pour ces frais additionnels, elle multiplie les centimes additionnels ; quand le gros ou moyen contribuable paye seul ou presque seul pour cette œuvre de bienfaisance dont il ne profite pas ; quand le petit contribuable ne paye rien ou presque rien pour cette œuvre de bienfaisance dont il profite seul ; quand, pour voter la dépense ainsi répartie, chaque contribuable, quel que soit le montant de sa contribution, a une voix, et n’a qu’une voix ? En ce cas, pouvoirs, bénéfices, allègements et dispenses, tous les avantages sont du même côté, du côté des pauvres et demi-pauvres, qui font la majorité, et qui, s’ils ne sont pas retenus d’en haut, abuseront de leur nombre pour accroître leurs avantages au préjudice croissant de la minorité aisée ou riche. Dès lors, dans la société locale, le contribuable moyen ou gros n’est plus un associé, mais un exploité ; si son choix était libre, il n’y entrerait pas ; il voudrait bien en sortir, s’établir ailleurs ; mais dans les autres, voisines ou lointaines, sa condition ne serait pas meilleure. Il reste donc dans la sienne, présent de corps et absent de cœur ; il n’assiste point aux assemblées délibérantes ; il n’a plus de zèle ; il retire à l’affaire ce surplus d’attention vigilante, de collaboration spontanée et empressée, qu’il eût apporté en don gratuit ; il laisse l’affaire aller sans lui, comme elle peut ; il y de-