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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 10, 1904.djvu/279

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LE DÉFAUT ET LES EFFETS DU SYSTÈME


veaux incultes, engourdis par la routine du travail manuel et comprimés par les préoccupations du besoin physique, les ouvertures de l’esprit sont étroites et obstruées, combien, en matière de faits, l’information y est courte, combien, en matière d’idées, l’acquisition y est lente, quelle méfiance héréditaire sépare la masse illettrée de la classe lettrée, quelle muraille presque infranchissable la différence de l’éducation, des mœurs et des manières interpose en France entre l’habit et la blouse, pourquoi, s’il y a dans la commune quelques gens instruits et quelques propriétaires notables, le suffrage universel s’écarte d’eux, ou du moins ne vient pas les chercher pour les mettre au conseil municipal ou à la mairie. — Avant 1830, quand le préfet nommait les conseillers municipaux et le maire, ils y étaient toujours ; sous la monarchie de Juillet et le suffrage restreint, ils y étaient encore, du moins pour la plupart ; sous le second Empire, quel que fût le conseil municipal élu, le maire, que le préfet nommait à discrétion et même en dehors de ce conseil, avait chance d’être l’un des hommes les moins ignorants et les moins ineptes de la commune. Aujourd’hui, c’est par accident et rencontre que, dans quelques provinces et dans certaines communes, un noble ou un bourgeois peut devenir conseiller municipal et maire ; encore faut-il qu’il soit enfant du pays, établi depuis longtemps, résident et populaire. Partout ailleurs, la majorité numérique, étant souveraine, tend à prendre ses élus dans sa moyenne : au village, c’est la moyenne de l’intelligence