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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/174

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LA RÉVOLUTION


loisir qu’un autre pour vaquer aux affaires communes[1]. Par la force même des choses, cet homme s’imposait à l’attention, à la confiance, à la déférence de ses pairs, et, parce qu’il était leur représentant naturel, il devenait leur représentant légal.

En somme, dans cette vieille société, si les pressions étaient mal réparties, si l’équilibre total était instable, si les pièces d’en haut pesaient trop lourdement sur les pièces d’en bas, du moins le triage, qui, dans tout État policé, sépare incessamment le grain de la paille, s’opérait presque bien ; sauf au centre et à la Cour, où, depuis un siècle, la machine à vanner fonctionnait au hasard et parfois à contresens, le départ se faisait régulièrement, avec plus de lenteur, mais peut-être avec plus de justesse que dans notre démocratie contemporaine. Il y avait plus de chances alors pour que le notable de droit devînt un notable de fait ; la difficulté était moindre et l’inclination plus forte, pour fonder, maintenir, perpétuer une famille ou une œuvre ; on regardait plus souvent au delà de soi ; les yeux se portaient naturellement hors du cercle étroit de la personne, en arrière et en avant de la vie présente. L’institution du partage égal, le régime du partage forcé, la règle du partage en nature et les autres prescriptions de notre Code civil n’émiettaient pas les héritages et ne démolissaient pas les foyers[2]. Le laisser-aller des parents et le sans-gêne

  1. F. Le Play, les Ouvriers européens, V, 456, (2e édition) (sur la corporation des ouvriers charpentiers de Paris).
  2. Ib., IV, 577. — Lire les monographies de quatre familles