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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 8, 1904.djvu/248

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LA RÉVOLUTION


du charretier, du laboureur, du moissonneur et du batteur en grange. Saisie universelle des hommes et des choses, voilà son office, et les nouveaux souverains s’en acquittent de leur mieux ; car, en pratique, la nécessité les talonne : l’émeute gronde à leurs portes ; leur clientèle de cerveaux affolés et d’estomacs vides, la plèbe indigente et désœuvrée, la populace parisienne n’entend pas raison : elle exige au hasard et à l’aveugle ; on est tenu de la satisfaire à l’instant, de bâcler coup sur coup les décrets qu’elle réclame, même impraticables et malfaisants, d’affamer les provinces pour la nourrir, de l’affamer demain pour la nourrir aujourd’hui. Sous les clameurs et les menaces de la rue, on va au plus pressé ; on cesse de considérer l’avenir, on ne pourvoit plus qu’au présent ; on prend où l’on trouve ; on prend de force ; on soutient la violence par la brutalité, on aide au vol par le meurtre ; on exproprie par catégories de personnes, on s’approprie par catégories d’objets ; après le riche, on dépouille le pauvre. — Pendant quatorze mois, le gouvernement révolutionnaire travaille ainsi des deux mains : d’une main, il achève la confiscation de la propriété, grande ou moyenne ; de l’autre, il procède à l’abolition de la petite.

Contre la propriété grande ou moyenne, il lui suffit d’étendre et d’aggraver les décrets antérieurs. — Spoliation des derniers corps subsistants : il confisque les biens des hôpitaux, des communes, de toutes les Sociétés scientifiques ou littéraires[1]. — Spoliation des créanciers

  1. Décret du 23 messidor an II, sur la réunion de l’actif et du