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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 9, 1904.djvu/108

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LE RÉGIME MODERNE


déclare qu’il a commis « la plus indigne des perfidies » ; il le tient une demi-heure sous une grêle de reproches et d’outrages, et le chasse de sa présence comme on ne chasse pas un laquais voleur. — Hors de sa fonction comme dans sa fonction, le fonctionnaire doit se résigner à tout office, courir au-devant de toute commission. Si des scrupules l’arrêtent, s’il allègue des obligations privées, s’il ne veut pas manquer à la délicatesse ou même à la loyauté vulgaire, il encourt le mécontentement ou il perd la faveur du maître : c’est le cas de M. de Rémusat[1], qui ne se prête point à devenir son espion, son rapporteur, son dénonciateur pour le faubourg Saint-Germain, qui ne s’offre pas, à Vienne, pour faire causer Mme d’André, pour obtenir d’elle l’adresse de M. d’André, pour livrer M. d’André qu’on fusillera séance tenante ; Savary, négociateur de la livraison, insistait sans se lasser, et répétait à M. de Rémusat : « Vous manquez votre fortune ; j’avoue que je ne vous comprends pas ! » — Pourtant Savary lui-même, ministre de la police, exécuteur des plus hautes œuvres, machiniste en chef du meurtre du duc d’Enghien et du guet-apens de Bayonne, fabricant de faux billets de banque autrichiens pour la campagne de 1809 et de faux billets de banque russes pour la campagne de 1812[2], Savary finit par se lasser : on le charge de trop

  1. Mme de Rémusat, III, 184.
  2. Souvenirs inédits du chancelier Pasquier, III, 320. (Détails sur la fabrication des faux billets, par ordre de Savary, dans une maison isolée de la plaine de Montrouge.) — Metternich, II, 358. (Paroles de Napoléon à M. de Metternich) : « J’avais tout prêts